TS. Réflexion sur la notion de culture

Nous abordons la notion de culture. Il s’agit d’une préparation au cours qui aura lieu en amphi prochainement, « L’homme comme un être de culture » et qui correspondra après « L’homme comme sujet », à la deuxième grande partie du cours de philosophie.

Nous avons, durant une heure, causé plutôt librement sur cette notion en suivant la « logique » de la simple juxtaposition d’idées ou méthode de libre-association. Les cartes heuristiques ci-dessous donnent à voir le paysage des idées qui ont été évoquées.

La culture ts1

« Culture » a fait immédiatement penser à la tradition et quelque chose qui se transmet de générations en générations, à ce qui est de l’ordre de l’histoire, une histoire commune dans laquelle on se reconnaît, et, de l’ordre de mode d’existence ou manière de vivre commune. A partir de là, il est apparu plusieurs points importants : la culture concerne l’homme, elle le définit en tant qu’homme ; il existe une pluralité de cultures, ce qui signifie que chaque culture a sa particularité propre ; il existe aussi un sens particulier de culture lorsqu’on parle de « culture générale ».

La culture ts2

La culture concerne l’homme, cela semble une évidence. Encore que le doute puisse être permis lorsqu’on pense à certains animaux comme les dauphins qui apprennent à partir d’expériences, communiquent et transmettent ce qu’ils ont appris. Peut-on alors parler de culture chez l’animal ? Cependant si le doute est permis, l’animal reste un animal de la nature, si l’on entend par là, l’ensemble des instincts et des dispositions naturelles. L’animal est adapté naturellement à son milieu, il est comme programmé pour l’être. La nature est l’ensemble de ce qui est inné, par opposition à la culture qui est l’ensemble de ce qui est acquis, appris. Toute la question est de savoir quelles sont les parts de l’inné et de l’acquis chez l’homme ? Sans nier la part du physiologique, du biologique et du génétique, ce qui fait que l’homme est l’homme et non pas simplement animal provient surtout de la transmission et de la culture. D’où l’importance chez l’homme de l’éducation.

La culture concerne l’homme, elle est sa condition. En effet, d’une part, la nature semble très peu hospitalière à l’homme et d’autre part, ces dispositions naturelles apparaissent bien pauvres pour lui permettre à elles seules de survivre. Sa survie , il la doit au travail, c’est-à-dire à l’effort de transformation de la nature. C’est en cultivant la terre, c’est en développant les techniques de chasse et de pêche qu’il peut se nourrir.

L’homme est un être de culture en tant qu’il est un être de parole et de technique. Le langage apparaissent comme des éléments importants de la culture. Mais il ne faudrait pas oublier, l’art, l’histoire et la religion. On voit par là que l’homme s’inscrit contre la nature. Langage, technique, art, religion sont culturels par excellence, ils sont inventés par l’homme et se transmettent de générations en générations, à travers l’histoire.

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Si l’homme est un être de culture, que la culture est sa propre condition, un point important nous apparu c’est celui de constater que la culture apparaît dans une grande diversité et que chaque culture se singularise d’une autre dans le temps et l’espace. L’histoire révèle cette multiplicité de cultures singulières et aujourd’hui, on peut constater cette diversité.

On reconnaît une culture, sa singularité par sa langue, les croyances, les croyances, les moeurs, les coutumes et habitude. Chaque culture a chaque propre conception du monde.

La culture ts4

Nous avons également évoqué un sens qui apparaît un peu particulier : culture au sens de connaissance, lorsqu’on dit qu’un homme est cultivé ou qu’il a de la culture.

Voilà en ce qui concerne la synthèse de notre réflexion pour l’instant.

Quelques pistes pour aller plus loin.

Si pour l’instant, notre pensée est en chantier, quelques pistes, sans doute parmi d’autres, s’offrent déjà à notre réflexion.

  1. Quelles sont les parts de la nature et de la culture chez l’homme ? Est-il homme par nature ou bien le devient-il par l’éducation ? Comment comprendre le passage de la nature à la culture chez l’homme ? Y a-t-il eu et y a-t-il des hommes naturelles ? L’homme à l’état de nature, est-il un mythe ou une réalité ? Que serait l’homme sans éducation, sans les apports de la culture ?

    Mowgli
    Mowgli, l’enfant sauvage dans la fiction « Le livre de la jungle » de Rudyard Kipling
  2. Si l’homme a dû oeuvrer contre la nature pour des raisons de survie, ne va-t-il pas trop loin aujourd’hui dans son intervention ? L’environnement naturel n’est-il pas menacé par toutes les activités humaines ? L’homme initialement le plus démuni du point de vue dispositions naturelles, en développant sa puissance est devenu le prédateur par excellence ?
  3. La pluralité des cultures n’empêche-t-elle pas la bonne entente entre les hommes ? Ne peut-on pas expliquer un certain nombre de conflits et de guerre par l’incompréhension entre cultures ? Peut-on comparer les différentes cultures entre elles ? A-t-on le droit de juger la culture de l’autre ?
  4. Doit-on confondre un homme cultivé et un homme érudit ?
  5. Une remarque : nous n’avons pas évoqué l’idée de la culture comme ce qui s’oppose à la sauvagerie, à la barbarie ; nous n’avons pas insisté sur l’idée de la culture comme acte civilisateur. Nous n’en étions pas loin lorsque nous nous parlions de transmission et d’éducation. La question est ici de savoir si la culture nous permet d’échapper à la barbarie.

Schopenhauer. Pourquoi le bonheur fondé sur le désir est-il impossible ?

« Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus le désir est long et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain.  – Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré ».

Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation (1818)

1. Travail préparatoire à l’etude du texte schopenhauer

2. Exemple d’une explication du texte de Schopenhauer

Voltaire. Le fanatisme religieux comme maladie, mais quel remède ?

Nicolas de Largillière, portrait de Voltaire détail
Voltaire 1694-1778

« Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un fanatique novice qui donne de grandes espérances; il pourra bientôt tuer pour l’amour de Dieu.
Barthélemy Diaz fut un fanatique profès. Il avait à Nuremberg un frère, Jean Diaz, qui n’était encore qu’enthousiaste luthérien, vivement convaincu que le pape est l’antechrist, ayant le signe de la bête. Barthélemy, encore plus vivement persuadé que le pape est Dieu en terre, part de Rome pour aller convertir ou tuer son frère: il l’assassine; voilà du parfait: et nous avons ailleurs rendu justice à ce Diaz.
Polyeucte, qui va au temple, dans un jour de solennité, renverser et casser les statues et les ornements, est un fanatique moins horrible que Diaz, mais non moins sot. Les assassins du duc François de Guise, de Guillaume prince d’Orange, du roi Henri III, du roi Henri IV, et de tant d’autres, étaient des énergumènes malades de la même rage que Diaz.
Le plus grand exemple de fanatisme est celui des bourgeois de Paris qui coururent assassiner, égorger, jeter par les fenêtres, mettre en pièces, la nuit de la Saint-Barthélemy, leurs concitoyens qui n’allaient point à la messe. Guyon, Patouillet, Chaudon, Nonotte, l’ex-jésuite Paulian, ne sont que des fanatiques du coin de la rue, des misérables à qui on ne prend pas garde: mais un jour de Saint-Barthélemy ils feraient de grandes choses.
Il y a des fanatiques de sang-froid : ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n’ont d’autre crime que de ne pas penser comme eux; et ces juges-là sont d’autant plus coupables, d’autant plus dignes de l’exécration du genre humain, que, n’étant pas dans un accès de fureur comme les Clément, les Chastel, les Ravaillac, les Damiens, il semble qu’ils pourraient écouter la raison.
Il n’est d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les moeurs des hommes, et qui prévient les accès du mal; car dés que ce mal fait des progrès, il faut fuir et attendre que l’air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent, pas contre la peste des âmes; la religion, loin d’être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont sans cesse présent à l’esprit l’exemple d’Aod qui assassine le roi Églon; de Judith qui coupe la tête d’Holopherne en couchant avec lui; de Samuel qui hache en morceaux le roi Agag; du prêtre Joad qui assassine sa reine à la porte aux chevaux, etc., etc., etc. Ils ne voient pas que ces exemples, qui sont respectables dans l’antiquité, sont abominables dans le temps présent: ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne.
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage: c’est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l’esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu’ils doivent entendre.
Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et qui en conséquence est sûr de mériter le ciel en vous égorgeant?
Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J’ai vu des convulsionnaires qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s’échauffaient par degrés parmi eux: leurs yeux s’enflammaient, tout leur corps tremblait, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.
Oui, je les ai vus ces convulsionnaires, je les ai vus tendre leurs membres et écumer. Ils criaient: « Il faut du sang ». Ils sont parvenus à faire assassiner leur roi par un laquais, et ils ont fini par ne crier que contre les philosophes.
Ce sont presque toujours les fripons qui conduisent les fanatiques, et qui mettent le poignard entre leurs mains; ils ressemblent à ce Vieux de la montagne qui faisait, dit-on, goûter les joies du paradis à des imbéciles, et qui leur promettait une éternité de ces plaisirs dont il leur avait donné un avant-goût, à condition qu’ils iraient assassiner tous ceux qu’il leur nommerait. Il n’y a eu qu’une seule religion dans le monde qui n’ait pas été souillée par le fanatisme, c’est celle des lettrés de la Chine. Les sectes des philosophes étaient non seulement exemptes de cette peste, mais elles en étaient le remède; car l’effet de la philosophie est de rendre l’âme tranquille, et le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. Si notre sainte religion a été si souvent corrompue par cette fureur infernale, c’est à la folie des hommes qu’il faut s’en prendre. »

Voltaire, Article « Fanatisme », Dictionnaire philosophique portatif, 1764

Autrui. Travail sur la notion 5

autruiCi-dessous, une liste de 49 sujets de dissertation portant sur la notion d’autrui. L’exercice proposé est de regrouper les sujets en faisant des rapprochements selon les problèmes abordés. Il conviendra de justifier les choix.

  1. Le désir suppose-t-il autrui ?
  2. Se laisser guider par autrui, est-ce renoncer à sa liberté ?
  3. Ne désire-t-on que ce que désire autrui ?
  4. N’existons-nous que par le regard d’autrui ?
  5. Faut-il s’identifier à autrui pour le comprendre ?
  6. La passion nous sépare-t-elle d’autrui ?
  7. N’avons-nous de devoirs qu’envers autrui ?
  8. Ai-je intérêt à la liberté d’autrui ?
  9. Suffit-il d’être proche d’autrui pour le connaître ?
  10. Qu’est-ce que comprendre autrui ?
  11. La tolérance va-t-elle jusqu’à laisser autrui dans son erreur ?
  12. Puis-je penser sans autrui ?
  13. La liberté de chacun s’arrête-t-elle seulement là où commence celle d’autrui ?
  14. Suffit-il d’être poli envers autrui pour le respecter ?
  15. Ne fait-on son devoir que par crainte du regard d’autrui ?
  16. Respecter autrui est-ce respecter sa différence ?
  17. Peut-on juger autrui ?
  18. L’homme peut-il être humain sans la présence d’autrui ?
  19. Nos rapports avec autrui sont-ils nécessairement conflictuels ?
  20. Peut-on avoir des exigences à l’égard d’autrui ?
  21. Ai-je besoin d’autrui pour être objectif ?
  22. Est-il injuste d’exploiter le travail d’autrui ?
  23. Avons-nous besoin d’autrui pour être libres ?
  24. Le dialogue permet-il de surmonter les obstacles qui nous empêchent de comprendre autrui ?
  25. Pour aimer autrui faut-il le connaître ?
  26. Avons-nous besoin d’autrui pour avoir conscience de nous-mêmes ?
  27. Est-il plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même ?
  28. Peut-on faire le bonheur d’autrui ?
  29. Faut-il aimer autrui pour le respecter ?
  30. Autrui est-il mon semblable ?
  31. Peut-on se connaître soi-même sans l’aide d’autrui ?
  32. Autrui est-il un autre moi-même ?
  33. Comment justifier le respect d’autrui ?
  34. Toute relation à autrui est-elle porteuse de conflits ?
  35. Nos relations avec autrui sont-elles nécessairement conflictuelles ?
  36. Ne désire-t-on que ce qui a de la valeur pour autrui ?
  37. Toute relation à autrui est-elle un échange ?
  38. Pour bien agir, faut-il vouloir le bien d’autrui ?
  39. Peut-on convaincre autrui qu’une oeuvre d’art est belle ?
  40. Le respect d’autrui exclut-il toute passion ?
  41. L’amitié est-elle la forme idéale du rapport à autrui ?
  42. La présence d’autrui nous évite-t-elle la solitude ?
  43. Au nom de quoi peut-on reprocher à autrui d’être égoïste ?
  44. Suis-je dans le même temps qu’autrui ?
  45. Ne respectons-nous autrui qu’afin qu’il nous respecte ?
  46. A-t-on le devoir d’aimer autrui ?
  47. Faut-il vivre pour autrui ?
  48. Respecter autrui est-ce respecter en lui la personne humaine ?
  49. La conscience de soi suppose-t-elle autrui ?

Compte-rendu de la mise en commun de l’exercice (séance 1 – TL)

Sujets sur autrui TL

Le travail est à poursuivre, mais il conviendra notamment de formuler le problème dont il est question dans chacun des groupes de sujets et d’être attentif aux nuances qu’apporte chaque sujet, leur « biais ».

Compte-rendu de l’exercice (TL – séance 2)

Sujets sur autrui TL 2L’exercice est à poursuivre, notamment en ce qui concerne les sujets qui articulent la notion d’autrui avec d’autres notions au programme. En outre, il convient de reprendre chacun des groupes trouvés et de proposer à chaque fois un texte exprimant une problématique en proposant un fil conducteur entre les sujets.

 

Voeux 2015

Léonard de Vinci, Tête de femme connue sous le nom de La Scapigliata

Quand on est jeune, on aimerait parfois que tout aille plus vite, mais comme le disait le génial Léonard de Vinci : « il n’est aucune chose qui aille plus vite que les années ».

Tâchons donc tout simplement de prendre le temps de vivre et d’aimer.

Bonne année 2015 à vous tous mes élèves. Beaucoup de courage et d’ardeur dans le travail, du plaisir d’apprendre et évidemment tous mes voeux de réussite.