Étiquette : amitié
Rapprochement entre deux extraits de l’Ethique à Nicomaque
TL. Débat sur l’amitié
Dans les illusions perdues (1837-1843) d’Honoré de Balzac, Fulgence dit à Lucien :
Ta vanité, mon cher poète, est si grande, que tu en mets jusque dans ton amitié ? s’écria Fulgence. Toute vanité de ce genre accuse un effroyable égoïsme, et l’égoïsme est le poison de l’amitié.
A la suite de l’étude du texte d’Aristote extrait de l’Ethique à Nicomaque 4 élèves de TL ont débattu sur le thème de l’amitié.
Il est possible de réécouter le débat qui a été enregistré et de réagir ou bien de proposer des réflexions sur le même thème en laissant un commentaire.
Pour rappel : la question que pose Charlie pour entamer le débat.
Quel est le vrai ressort de l’amitié ? Est-il raisonnable d’aimer un autre plus que soi-même, au point de se sacrifier, parfois, pour lui ? N’est-il pas absurde de préférer la vie d’un autre à la sienne ? Et si nous nous effaçons au profit d’un autre, n’est-ce pas, au fond, parce que l’ami nous apporte ce qui nous fait défaut ?
TL et TES. Quelle place pour le plaisir dans la vie heureuse ?
Préparation du Devoir-Surveillé n°1
Le sujet-texte
Expliquez le texte suivant :
« Le fait que l’ami est autre que le flatteur semble montrer clairement que le plaisir n’est pas un bien, ou qu’il y a des plaisirs spécifiquement différents. L’ami, en effet, paraît rechercher notre compagnie pour notre bien, et le flatteur pour notre plaisir, et à ce dernier on adresse des reproches et à l’autre des éloges, en raison des fins différentes pour lesquelles ils nous fréquentent. En outre, nul homme ne choisirait de vivre en conservant durant toute son existence l’intelligence d’un petit enfant, même s’il continuait à jouir le plus possible des plaisirs de l’enfance ; nul ne choisirait non plus de ressentir du plaisir en accomplissant un acte particulièrement déshonorant, même s’il ne devait jamais en résulter pour lui de conséquence pénible. Et il y a aussi bien des avantages que nous mettrions tout notre empressement à obtenir, même s’ils ne nous apportaient aucun plaisir, comme voir, se souvenir, savoir, posséder les vertus. Qu’en fait des plaisirs accompagnent nécessairement ces avantages ne fait pour nous aucune différence, puisque nous les choisirions quand bien même ils ne seraient pour nous la source d’aucun plaisir. Qu’ainsi donc le plaisir ne soit pas le bien, ni que tout plaisir soit désirable, c’est là une chose, semble-t-il, bien évidente. »
Aristote, Ethique à Nicomaque
La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.
Exercices :
- Prendre connaissance du texte
- Procéder au travail préparatoire de l’étude de texte
- Exploiter le travail préparatoire
Compte-rendu de la séance avec les TL
Une séance similaire a eu lieu avec la classe de TES
On a commencé par un rappel de la nécessité d’effectuer un travail préparatoire avant de se lancer dans un quelconque commentaire du texte. Ce travail préparatoire est constitué de questions auxquelles il faut tâcher de répondre. Quel est le thème ? Quelle est la question à laquelle répond l’auteur dans ce texte ? Quelle en est la réponse ? (sa thèse ou l’idée directrice) Comment l’auteur dit-il ce qu’il dit ? (étude de la structure logique et mise en évidence de l’argumentation de l’auteur) A quelle position s’oppose l’auteur ? (Cette thèse opposée peut-être explicite ou implicite) Qu’est-ce qui mérite d’être expliquer ? (parce que c’est essentiel à la compréhension du texte, parce qu’il s’agit de notions importantes qu’il faut définir et rendre compte de leur articulation…) Ces questions sont toujours les mêmes quelque soit le texte à étudier. S’ajoutent à ces questions celles qui s’adressent plus particulièrement au texte donné. Elles sont celles qui permettent d’interroger le texte, de creuser le problème qu’il soulève, d’interpeller l’auteur sur tel ou tel point, sur une difficulté… Ce travail préparatoire s’effectue tant que l’idée d’une version définitive de l’étude n’apparaît pas claire et précise. En temps limité (4h), ce travail préparatoire peut prendre facilement deux heures. Les deux autres heures seront destinées à la rédaction de l’étude détaillée. L’étude rendue doit comporter évidemment une introduction, un développement structuré et d’une conclusion. L’introduction présente le texte en montrant de quoi il est question, quel est le problème qu’il soulève et la position et l’argumentation de l’auteur. Le développement a pour but d’analyser le texte de la manière la plus détaillée possible. Et à la question du plan à adopter dans le développement, nous répondrons par celui du texte ; autrement dit, on tachera de suivre l’ordre des idées de l’auteur. Et la conclusion tâchera de dresser le bilan de l’étude menée. La proposition du jour est de réaliser un travail qui tend vers la version définitive de l’étude de texte. Le texte soumis à l’étude est un extrait de l’Ethique à Nicomaque d’Aristote.
La première lecture nous a conduit à lister des quelques mots semblant ressortir du texte et à quelques questions. Ces mots sont « ami », « plaisir », « flatteur », « enfance ». Nous remarquons que ces mots ne joue pas le même rôle. Et les questions : « qu’est-ce qu’un ami ? » ; « Le plaisir est-il indispensable ? » ; « Est-il de l’ordre du besoin ? »
« Ami », « flatteur » et « enfance » se réfèrent chacun à une réalité concrète, alors que « plaisir » est plutôt de l’ordre de l’idée abstraite. L’idée abstraite doit nous permettre en principe de penser la réalité concrète. La conceptualisation philosophique est construction d’idées abstraites articulées pour penser le concret, ce sans quoi la philosophie risquerait de se retrouver complètement déconnectée de la réalité. Ceci étant dit, on comprend que, dans ce texte d’Aristote, le mot plaisir doit en principe permettre de penser une idée et les mots amis, flatteur et enfance relever de l’exemple. Les lectures suivantes devront pouvoir certainement compléter la liste des mots et préciser cette distinction abstrait / concret en se posant la question : qu’est-ce qui relève de l’idée et qu’est-ce qui relève de l’exemple ? quel est le lien entre l’idée et l’exemple ?
En ce qui concerne les quelques questions qui sont apparues lors de cette première lecture, la première « qu’est-ce qu’un ami ? » est vite abandonnée comme étant la question du texte. En effet, sans vouloir préjuger à l’avance de sa pertinence par ailleurs, ni d’ailleurs dans ce texte, la question importe peu ici, cependant la position d’Aristote au sujet de l’amitié devra être étudiée. Pourquoi parle-t-il de l’amitié ? qu’est-ce qu’il en dit ? dans quel but ? D’ailleurs, il conviendra de se poser les mêmes questions par rapport au flatteur et à l’amitié. En revanche, on peut dors et déjà retenir l’autre questions, à savoir, « Le plaisir est-il indispensable ? est-il de l’ordre du besoin ? » Cette question a le mérite de nous plonger déjà au coeur même du texte. Nous ne savons pas encore cependant, s’il s’agit de la question du texte. Il est à remarquer que tout ce que nous pouvons dire à l’occasion de cette exploration du texte et lors de la constitution préparatoire à l’étude de texte reste provisoire et demande à être vérifié, travaillé, approfondie. L’important est de s’accrocher sur ce que l’on pense avoir compris et de manière concentrique d’élargir l’exploration du texte, en déplaçant si l’on peut dire le projecteur. Il faut donc poursuivre la lecture, approfondir notre compréhension.
Les lectures suivantes ont permis d’élargir la liste des mots importants et surtout des associations importantes : Même si le mot bonheur n’apparaît pas dans ce texte on voit bien que l’idée de bonheur est bien présente. Associé à « existence » le bonheur permet d’évoquer l’idée d’existence heureuse. La question de la place du plaisir dans l’existence heureuse survient. Le bonheur semble être l’enjeu du texte, un objectif d’Aristote dans ce texte. Il conviendra certainement de préciser ce point. Face à cette question, l’opinion commune répondrait, semble-t-il, que le plaisir est indispensable : pas de bonheur sans plaisir. Le plaisir est constitutif du bonheur. La question sera de savoir ce qu’il en est de la position d’Aristote à ce propos.
En outre, on a remarqué qu’Aristote dans ce texte opère souvent par mise en rapport. Par exemple, il met en rapport l’ami et le flatteur parallèlement au rapport bien et plaisir. Au passage remarquons ce terme de « bien » qui est capital dans ce texte ; il faudra être en mesure de bien le définir. Il est à remarquer qu’Aristote s’oppose à l’opinion commune évoquée précédemment que seul le plaisir est désirable et permet le bonheur. Il soutient au contraire l’idée selon laquelle le bien est ce qui doit être recherché, le bien étant supérieur au plaisir. « Le plaisir n’est pas un bien » dit-il. Il le montre en disant : « L’ami, en effet, paraît rechercher notre compagnie pour notre bien, et le flatteur pour notre plaisir ».
Ces premières lectures ont permis une première approche du texte. Il nous semble avoir une bonne intuition du texte. Il nous faut maintenant aller plus en profondeur en tentant de rendre compte du thème, du problème et de la thèse.
La thèse centrale semble être le plaisir mais on voit bien qu’il est aussi question du bien et du désir. Pour être plus précis, disons que ce texte a pour objectif de démontrer que le bien-être de l’homme, son bonheur, celui qui doit être recherché, visé, désiré, est à comprendre non pas comme plaisir mais comme bien. Reformulons, le texte parle d’un bonheur entendu non comme la satisfaction du désir mais comme la quête du bien moral. Finalement, le rapport entre le bonheur et la morale est la thématique générale du texte d’Aristote. Ainsi, la question à laquelle semble répondre l’auteur est la suivante : comment être heureux ? Et pour donner à cette question tout son caractère problématique, reformulons-là sous la forme d’une alternative : faut-il satisfaire ses désirs ou bien chercher à accomplir le bien pour être heureux ?
Il apparaît qu’Aristote cherche à distinguer plaisir et bien dans le seul but de critiquer la recherche superficielle du plaisir et ainsi de proposer un modèle de bonheur bien plus abouti. A la fin de l’extrait, il dit que si le plaisir n’est pas le bien, ni que tout plaisir est désirable, « c’est là une chose bien évidente ». Pour notre philosophe, la recherche du plaisir ne comble pas notre désir d’être heureux et le bonheur consiste plutôt à rechercher le bien. Le bien est, selon lui, seul capable de nous satisfaire de manière autant stable que complète, à la différence du plaisir très ponctuel, superficiel, changeant et éphémère. Le bien sied donc bien mieux au bonheur que le plaisir. Il s’agira pour nous de savoir comment il faut comprendre ce rapport entre le bien et le plaisir et leur lien respectif avec le bonheur. En fait tout le problème que soulève Aristote dans cet extrait est de savoir si le seul plaisir peut nous rendre heureux ou bien si l’on doit le chercher ailleurs,dans la recherche du bien. Mais ce bien, de quoi s’agit-il au juste ? et d’autre part, si le plaisir n’est pas le bonheur, alors quelle place doit-on lui accorder dans notre existence ? Devons-nous tout bonnement y renoncer ? Devons-nous sacrifier tout tendance vers le plaisir pour s’adonner à la seule recherche du bien ? Toutes ces questions permettent de creuser le problème et de bien comprendre la position de l’auteur en vue de l’expliquer.
Maintenant que nous pensons avoir compris l’idée générale d’Aristote dans cet extrait, cherchons à savoir comment il dit ce qu’il dit, à mettre en évidence son argumentation. Pour ce faire, nous allons procéder à l’étude de la structure logique.
On peut distinguer trois parties dans ce texte : Dans un premier temps, [« Le fait que l’ami est autre que le flatteur => et pour lesquelles ils nous fréquentent« ] Aristote annonce sa thèse en posant la distinction bien / plaisir. Pour ce faire, il utilise un exemple, celui de l’ami qui se différencie du flatteur. Alors que l’ami recherche notre compagnie pour notre bien, le flatteur c’est pour bien d’autre raison, en l’occurrence, pour le plaisir. Par ce procédé, on comprend déjà que le bien est préférable au plaisir. Dans un deuxième temps, [« En outre, nul homme ne choisirait => conséquence pénible« .] il met en évidence la possibilité de ne pas rechercher le plaisir. Pour ce faire, il utilise un raisonnement proche du raisonnement par l’absurde : qui voudrait du plaisir d’enfant ou du plaisir déshonorant ? Il est donc des plaisirs qui ne sont pas désirables. Dans un troisième temps, [« Et il y a aussi bien des avantages => bien évidente« ] il met cette fois-ci en évidence la possibilité de désirer autre chose que le plaisir. Cet autre chose étant le bien. Pour ce faire, Aristote prend des exemples de biens voir, se souvenir, savoir, posséder des vertus. Et quand bien même ces biens ne nous procureraient aucun plaisir il nous sont bien plus avantageux. Ce texte se termine (dernière phrase) par cette idée considérée désormais comme une évidence que des biens sont plus désirables que le plaisir.
La séance pris fin avec des consignes pour terminer le travail préparatoire :
- A quelle thèse Aristote s’oppose-t-il dans ce texte ?
- Qu’est-ce qui, dans ce texte, doit être expliqué ?