On a passé le bac philo à Washington

201605 bacwashingtonLes élèves scolarisés dans un centre étranger à Washington passent les épreuves du baccalauréat 2016 du 26 mai au 7 juin prochain. Les épreuves de philosophie se sont déroulés vendredi dernier. Nous sommes en attente des sujets. Un moyen pour nous de nous entraîner avant notre épreuve du 14 juin.

Révisions BAC 2016. Nos instants de bonheur ne sont-ils pas illusoires ?

La vie est un état de malheur radical, affirme Schopenhauer. Doit-on comprendre alors que nos instants de bonheur ne sont qu’illusoires, et que seule la souffrance est lucide ?

Arthur Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, Livre IV, §59

« Maintenant enfin, grâce à toutes ces études de l’ordre le plus général, grâce à notre effort pour tracer une esquisse de la vie humaine dans ses traits élémentaires, nous devons être arrivés, dans la mesure où l’on peut se convaincre a priori, à cette conviction que, par nature, la vie n’admet point de félicité vraie, qu’elle est foncièrement une souffrance aux aspects divers, un état de malheur radical ; nous pourrions donner bien plus de vie et de corps à cette idée, en nous adressant à l’expérience, à l’a posteriori, en descendant aux cas particuliers, pour nous mettre sous les yeux des images, pour nous peindre en des exemples notre misère sans nom, pour invoquer les faits et l’histoire, où il est bien permis aussi de jeter un regard et de chercher des lumières. […] Il suffit d’être sorti des rêves de la jeunesse, de tenir compte de l’expérience, de la sienne et de celle des autres, d’avoir appris à se mieux connaître, par la vie, par l’histoire du temps passé et du présent, par la lecture des grands poètes, et de n’avoir pas le jugement paralysé par des préjugés trop endurcis, pour se résumer les choses ainsi : le monde humain est le royaume du hasard et de l’erreur, qui y gouvernent tout sans pitié, les grandes choses et les petites ; à côté d’eux, le fouet en main, marchent la sottise et la malice : aussi voit-on que toute bonne chose a peine à se faire jour, que rien de noble ni de sage n’arrive que bien rarement à se manifester, à se réaliser ou à se faire connaître ; qu’au contraire l’inepte et l’absurde en fait de pensée, le plat, le sans-goût en fait d’art, le mal et la perfidie en matière de conduite, dominent, sans être dépossédés, sauf par instants.

[En tout genre, l’excellent est réduit à l’état d’exception, de cas isolé, perdu dans des millions d’autres ; et si parfois il arrive à se révéler dans quelque œuvre de durée, plus tard, quand cette œuvre a survécu aux rancunes des contemporains, elle reste solitaire, pareille à une pierre du ciel, que l’on conserve à part, comme un fragment détaché d’un monde soumis à un ordre différent du nôtre.] »

Clémentine Gourdon vous indique comment faire face le jour du Bac à la pensée de Schopenhauer.

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Révisions BAC 2016. L’artiste est-il un artisan comme les autres ?

L’artiste, un artisan comme les autres ? C’est du moins ce qu’en dit Alain dans le Système des Beaux-Arts, avec une pointe de provocation. Comment réagir à ce genre de texte le jour du baccalauréat ?

Alain 1868-1951
Alain 1868-1951

Alain, Système des Beaux-Arts, livre I, chapitres VI et VII

 » Aucune conception n’est œuvre. Et c’est l’occasion d’avertir tout artiste qu’il perd son temps à chercher parmi les simples possibles quel serait le plus beau ; car aucun possible n’est beau, le réel seul est beau. Faites donc et jugez ensuite. Telle est la première condition en tout art, comme la parenté des mots artiste et artisan le fait bien entendre ; mais une réflexion suivie sur la nature de l’imagination conduit bien plus sûrement à cette importante idée, d’après laquelle toute méditation sans objet réel est nécessairement stérile. Pense ton œuvre, oui certes ; mais on ne pense que ce qui est : fais ton œuvre. Puisqu’il est évident que l’inspiration ne forme rien sans matière, il faut donc à l’artiste, à l’origine des arts et toujours, quelque premier objet ou quelque première contrainte de fait sur quoi il exerce d’abord sa perception, comme l’emplacement et les pierres pour l’architecte, un bloc de marbre pour le sculpteur, un cri pour le musicien, une thèse pour l’orateur, une idée pour l’écrivain, pour tous des coutumes acceptées d’abord. Par quoi se trouve défini l’artiste, tout à fait autrement que d’après la fantaisie. Car tout artiste est percevant et actif, artisan toujours en cela. Plutôt attentif à l’objet qu’à ses propres passions ; on dirait presque passionné contre les passions, j’entends impatient surtout à l’endroit de la rêverie oisive : ce trait est commun aux artistes et les fait passer pour difficiles. Au reste, tant d’œuvres essayées naïvement d’après l’idée ou l’image que l’on croit s’en faire, et manquées à cause de cela, expliquent que l’on juge trop souvent de l’artiste puissant, qui ne parle guère, d’après l’artiste ambitieux et égaré, qui parle au contraire beaucoup. Mais si l’on revient aux principes, on se détournera de penser que quelque objet beau soit jamais créé hors de l’action. Ainsi la méditation de l’artiste serait plutôt observation que rêverie, et encore mieux observation de ce qu’il a fait comme source et règle de ce qu’il va faire. Bref, la loi suprême de l’invention humaine est que l’on n’invente qu’en travaillant. Artisan d’abord. »

Explication par Ligeia Saint-Jean.

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