Phrase à méditer et si Hannah Arendt dit vrai, alors réviser vraiment la philosophie pour l’examen prochain, c’est être pleinement éveillé et lucide.
Réviser vraiment ce n’est pas apprendre par coeur mais penser. Or penser c’est dépasser la simple adhésion à l’opinion, c’est construire toute une réflexion critique à partir d’un problème que l’on aura soigneusement formulé, d’une analyse conceptuelle rigoureuse des notions en présence, d’une argumentation sérieuse et exigence. Il est apparaît donc évident, que penser exige un esprit en éveil que n’a pas le dormeur ou le somnambule.
A l’occasion de la commémoration de l’abolition de l’esclavage en Guadeloupe, le lycée Jardin d’Essai et le Mémorial ACTe deviennent centre du monde en accueillant 80 élèves du Sénégal, du Surinam, de Nantes et de Guadeloupe.
Comment amener les jeunes à connaître leur identité tout en s’ouvrant au monde ? Comment sensibiliser à l’histoire et aux mémoires de la traite et de l’esclavage par la connaissance du patrimoine matériel et immatériel ? Tels sont les objectifs du projet : « LA TRAITE NEGRIERE, L’ESCLAVAGE ET LEURS HERITAGES : Histoires, mémoires et patrimoines partagés de 80 élèves de Guadeloupe, du Sénégal, du Surinam et de Nantes » d’après une idée originale d’Elise NDOBO, professeur d’anglais à Nantes et de Karine SITCHARN, professeur d’histoire-géographie au Lycée Jardin D’Essai.
Au programme
9h-12h30 : Visite guidée bilingue du Mémorial ACTe réalisé par 10 élèves de seconde De jardin d’Essai formés par le MACTe
14h30-15h30 : Présentation du livre numérique collaboratif rédigé par les 4 classes(lectures + projection vidéo). Ce livre est le fruit d’un formidable échange culturel entre les élèves de Guadeloupe, de Nantes, du Sénégal et du Surinam autour de l’Histoire, des mémoires et du patrimoine de la traite et de l’esclavage.
15h30-16h30 : Rencontre et échanges avec le Président du Mémorial ACTe, M. Jacques MARTIAL, le Directeur scientifique, M. Thierry L’Etang, Mme SITCHARN, professeur d’Histoire au lycée Jardin d’Essai, Mme NDOBO, professeur d’Anglais à Nantes, Mme PATER-TORIN, chorégraphe et les élèves.
16h30-18h : Projection du film « Noirs, l’identité au cœur de la question noire » de Arnaud NGATCHA et Jérôme SESQUIN. Ce film tourné en France hexagonale, aux Antilles et auSénégal soulève la « question noire » qui se pose aujourd’hui en France.Suivie d’un débat avec Georges LAWSON BODY, universitaire.
18h30 : Danse en costume traditionnel des « marrons du Surinam » réalisée par les élèves du Surinam suivie d’une comédie musicale intitulée « De la liberté à la liberté » encadrée par Raymonde PATER-TORIN (chorégraphe) de l’association KAMODJAKA et Yane MAREINE (chanteuse et comédienne) de l’association NOLEDJIZ ART.
» Une comédie musicale qui donne à voir une jeunesse curieuse de son identité tout étant ouvert à l’altérité. Un spectacle qui montre une jeunesse qui « n’est pas esclave de l’esclavage » comme le disait Frantz FANON mais qui sait valoriser son patrimoine pour en faire un objet artistique et – pourquoi pas demain – un produit touristique. »
Il y a 168 ans, le 27 mai 1848, Jean-François Layrle, alors gouverneur de la Guadeloupe, proclame, par crainte d’une insurrection des esclaves, l’abolition de l’esclavage.
Le décret officiel qui arrivera une semaine plus tard, le 5 juin à Basse-Terre, s’exprime dans les termes suivants :
« Citoyens,
Il n’y a plus d’esclaves à la Guadeloupe.
L’esprit de sagesse et de modération dont la population esclave a fait preuve méritait une récompense. Il m’a permis d’avancer, le jour de la liberté.
Que nos nouveaux Concitoyens continuent d’être modérés et sages ! qu’ils s’élèvent par le travail, les bonnes moeurs, la religion, à toute la dignité d’homme libre !
Qu’ils aident à rendre ce beau pays riches et florissant !
Des mesures pour réprimer sévèrement le désordre et le vagabondage seront immédiatement arrêtées. Tous mes soins, tous les efforts seront consacrés désormais à obtenir pour les maîtres une légitime indemnité.
Vive la République »
Il y a beaucoup à dire sur le fond et la forme du décret de Layrle. On notera seulement d’une part le ton paternaliste – puisque les esclaves ont été bien dociles alors ils auront cette récompense ; qu’ils fassent désormais bon usage de leur liberté-, et, d’autre part, le souci d’indemnisation des maîtres qui se retrouvent sans leurs gentils esclaves. Préférons les propos d’un philosophe qui, un siècle plus tôt alors que l’idée même d’abolition n’était pas à l’ordre du jour, affirmait toute l’absurdité de l’esclavage et le caractère inaliénable de la liberté humaine pour tout homme.
Le droit de l’esclavage est nul
S’il a fallu le décret d’un gouverneur pour abolir l’esclavage, c’est que l’esclavage fut un droit. Or comme dit Rousseau, « le droit de l’esclavage est nul, non seulement parce qu’il est illégitime, mais parce qu’il est absurde et ne signifie rien. Ces mots, esclavage et droit, sont contradictoires. »
Et puisque nous évoquons Rousseau, qui était intimement convaincu de l’absurdité de l’esclavage, relisons des extraits de son Contrat Social, paru en 1762, soit 86 ans avant le décret de Layrle. Ce sera notre manière de commémorer cette abolition.
Que ce soit par nature ou par convention la théorie de l’esclavage ne tient pas.
Tout d’abord un extrait du chapitre 2 du Contrat Social, dans lequel notre philosophe critique la théorie de l’esclavage par nature, en suite deux extraits du chapitre 4, justement intitulé « De l’esclavage », dans lequel il, cette la théorie de l’esclavage par convention, c’est-à-dire ce prétendu « droit d’esclavage » qui résulterait d’un « contrat » par lequel un homme renoncerait à tous ses droits en échange de sa vie ou de sa subsistance.
« Aristote avant eux tous avait dit aussi que les hommes ne sont point naturellement égaux, mais que les uns naissent pour l’esclavage et les autres pour la domination. Aristote avait raison, mais il prenait l’effet pour la cause. Tout homme né dans l’esclavage naît pour l’esclavage, rien n’est plus certain. Les esclaves perdent tout dans les fers, jusqu’au désir d’en sortir ; ils aiment leur servitude comme les compagnons d’Ulysse aimaient leur abrutissement. S’il y a donc des esclaves par nature, c’est parce qu’il y a eu des esclaves contre nature. La force a fait les premiers esclaves, leur lâcheté les a perpétués. »
Rousseau, Du Contrat Social, Livre I, Chapitre 2
« Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa condition d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme, et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté. Enfin, c’est une convention vaine et contradictoire de stipuler d’une part une autorité absolue et de l’autre une obéissance sans bornes. N’est-il pas clair qu’on n’est engagé à rien envers celui dont on a le droit de tout exiger, et cette seule condition, sans équivalent, sans échange n’entraîne-t-elle pas la nullité de l’acte ? Car quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu’il a m’appartient, et que son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n’a aucun sens ? […] Ainsi, de quelque sens qu’on envisage les choses, le droit d’esclavage est nul, non seulement parce qu’il est illégitime, mais parce qu’il est absurde et ne signifie rien. Ces mots, esclavage et droit, sont contradictoires ; ils s’excluent mutuellement. Soit d’un homme à un homme, soit d’un homme à un peuple, ce discours sera toujours également insensé : je fais avec toi une convention toute à ta charge et toute à mon profit, que j’observerai tant qu’il me plaira, et que tu observeras tant qu’il me plaira. »