TS. Ne désire-t-on que ce qui est bon ?

Ce qui est bon, n’est-il pas en fait ce que l’on estime bon. Comment savoir que ce que nous prenons comme bon l’est vraiment ? Réflexion sur la valeur de vérité de l’objet du désir estimé bon. Ce qu’on désire est-il nécessairement bon ? Mais tout pourquoi désire-t-on ce qu’on estime bon ? et ce que l’on estime bon ne peut-il pas ne pas l’être ? peut-on même aller jusqu’à désirer ce que l’on estime mauvais, mal ?

I. Pourquoi désire-t-on ce qu’on estime bon ?

  1. Ce qui est bon est ce qu’on estime nécessaire à la survie : il est bon de manger quand on a faim et de boire quand on a soif. Mais ici le désir n’est-il pas confondu avec le simple besoin vital ?
  2. Ce qui est bon est ce qu’on estime nécessaire au bonheur : généralement on désire ce que l’on n’a pas et dont imagine la satisfaction comme source du bonheur. On voit mal comment être heureux sans l’obtention de ce que l’on désire.
  3. Mais ne désire-t-on que cela ? En effet, ne désire-t-on pas parfois ce qu’on estime bon mais qui en réalité ne l’est pas ou encore ne désire-t-on pas ce qui est mauvais parce qu’en fait on ne procède à aucune estimation ? En d’autres termes, n’arrive-t-il pas que l’on se trompe dans l’estimation de ce qui est bon ? et procède-t-on à chaque fois à une évaluation à une estimation de chaque chose que l’on désire ?

II. Ce qu’on estime bon peut ne pas l’être.

  1. On désire ce que l’on estime bon mais qui en réalité ne l’est pas : il y a une divergence entre croire et savoir, entre l’opinion et la connaissance. L’estimation fondée sur l’opinion et sur la croyance peut être fausse.
  2. On désire ce que l’on désire sans procéder à une estimation de l’objet désirer : certains désirs étant inconscients, il n’y a donc aucune estimation faite de leur objet. La conscience n’est ici que le témoin d’un processus inconscient qui lui échappe.
  3. On ne choisit pas ses désirs et de ce fait, il apparaît possible de désirer ce que l’on estime pourtant mauvais.

III. Il est possible de désirer ce que l’on estime mauvais

  1. Le désir se distingue de la volonté, et l’on peut désirer ce que l’on ne veut pas : la volonté peut être impuissante face à la force du désir.
  2. La volonté peut devenir l’allier du désir : on finit par vouloir ce que l’on désire quand bien même ce qui est désiré est de l’ordre du vice. C’est parce que c’est mal qu’on le désire. Le désir de faire mal par exemple. (cf. le sadisme et le masochisme) Le concept de fascination. Vouloir ce qu’on désire. Mais ici une chose devient bonne parce qu’on la désire, quand bien même elle serait mauvaise, surtout quand bien même on la sait mauvaise.
  3. Mais, on peut vivre en soi une situation de conflit entre un désir harcelant vers un vice que l’on exècre et une vertu que l’on vise. Ne pas vouloir ce qu’on désire. Chercher les moyens d’une maîtrise de soi ?

Vers un dépassement du conflit vouloir une vertu / désirer un vice ou bien alors une acceptation de ce que l’on est au fond (Nietzsche). Le bien ?

65 sujets sur le désirs

L’exercice consistait à regrouper les sujets selon des problématiques communes ou ressemblantes. L’essentiel était de justifier les rapprochements ou les oppositions et de toujours montrer la problématique en question.

1 Accomplir tous ses désirs, est-ce une bonne règle de vie ?
2 Faut-il ne désirer que ce qui est accessible ?
3 Le désir de savoir est-il comblé par la science ?
4 Le désir nous rend-il déraisonnable ?
5 L’objet du désir en est-il la cause ?
6 Nos désirs peuvent-ils être comblés ?
7 Peut-on tout désirer à la fois ?
8 Suffit-il d’avoir ce que l’on désire pour être heureux ?
9 Est-il absurde de désirer l’impossible ?
10 La liberté requiert-elle l’extinction du désir ?
11 Le désir est-il par nature immoral ?
12 Le sujet peut-il échapper à ses désirs ?
13 Ne désirons-nous que ce qui nous manque ?
14 Peut-on désirer ce que l’on possède déjà ?
15 Pouvons-nous faire coïncider nos désirs avec nos devoirs ?
16 Y a-t-il de faux désirs ?
17 Agir moralement, est-ce nécessairement lutter contre ses désirs ?
18 Désirer, est-ce nécessairement souffrir ?
19 Est-ce le désir de vivre ensemble qui est au fondement des sociétés ?
20 Est-il possible de vivre sans désirs ?
21 Faut-il se méfier de ses désirs ?
22 Le bonheur consiste-t-il à ne plus rien désirer ?
23 Le désir est-il la marque de la misère de l’homme ?
24 Le désir peut-il être comblé ?
25 Les hommes savent-ils ce qu’ils désirent ?
26 Ne désire-t-on que ce que désire autrui ?
27 Nos désirs nous égarent-ils ?
28 Peut-on désirer ce qu’on ne connaît pas ?
29 Pourquoi désirer ce qui n’est pas nécessaire ?
30 Sait-on ce qu’on désire ?
31 Un désir peut-il être coupable ?
32 Est-il raisonnable de vouloir maîtriser tous ses désirs ?
33 Faire son devoir exclut-il tout plaisir ?
34 Faut-il hiérarchiser les désirs ?
35 Faut-il renoncer à ses désirs pour être libre ?
36 Le désir de liberté peut-il conduire à perdre sa liberté ?
37 Le désir fait-il de nous des sujets ?
38 Le désir suppose-t-il autrui ?
39 Ne désire-t-on que ce dont on manque ?
40 Nos désirs s’expliquent-ils seulement par la recherche du plaisir ?
41 Peut-on désirer savoir pour savoir ?
42 Puis-je toujours exprimer ce que je désire ?
43 Tout désir est-il tyrannique ?
44 La force de notre volonté est-elle autre chose que celle de nos désirs ?
45 La liberté est-elle toujours désirable ?
46 Le désir est-il aveugle ?
47 Le désir peut-il se satisfaire de la réalité ?
48 Ne désire-t-on que ce qui a de la valeur pour autrui ?
49 Peut-on cesser de désirer ?
50 Pourquoi désire-t-on savoir ?
51 Tous nos désirs sont-ils personnels ?
52 Y a-t-il des désirs naturels ?
53 Y a-t-il un sens à parler de désirs inconscients ?
54 Satisfaire ses désirs peut-il rendre malheureux ?
55 Peut-on désirer travailler ?
56 Nos désirs nous appartiennent-ils ?
57 La raison s’oppose-t-elle nécessairement au désir ?
58 La science relève-t-elle du seul désir de vérité ?
59 Le désir de savoir est-il naturel ?
60 Le désir déforme-t-il notre perception du réel ?
69 Le désir est-il un obstacle à la liberté ?
73 Le désir nous condamne-t-il à l’insatisfaction ?
68 Le désir nous éloigne-t-il d’autrui ?
70 Le désir peut-il être désintéressé ?
61 Les exigences de la morale sont-elles compatibles avec nos désirs ?
74 L’hypothèse de l’inconscient rend-elle inutile la recherche d’une maîtrise des désirs ?
76 L’interdit est-il ennemi du désir ?
67 Mes désirs m’appartiennent-ils ?
71 Ne désirons-nous que les choses que nous estimons bonnes ?
62 Nos désirs font-ils obstacle à notre liberté ?
75 Peut-il exister des désirs naturels ?
77 Peut-on désirer autre chose que l’impossible ?
66 Peut-on désirer sans souffrir ?
72 Peut-on vouloir ce qu’on ne désire pas ?
63 Pourrait-on désirer si rien n’était interdit ?
64 Répondre à un désir, est-ce nécessairement le satisfaire ?
65 Suis-je l’esclave de mes désirs ?

 

La Dissertation. « Peut-on douter de l’existence du sujet ? »

Un premier sujet à étudier en classe

D’abord analyser le sujet de telle manière à lui donner du sens. D’ailleurs, il convient, en quelque sorte, de considérer tout sujet comme n’ayant pas de sens et n’étant pas intéressant et qu’il est de sa responsabilité de lui donner du sens et de montrer qu’il est intéressant à traiter. Montrer de quoi il est question dans un sujet donné, c’est en préciser tout le sens.

Ce dont il est question dans un sujet est toujours en philosophie l’expression d’un problème philosophique. C’est dire que toute question n’est pas un problème philosophique. Alors qu’une question appelle une réponse entendue comme la solution qui la liquide, un problème philosophique maintient la question jusque dans les différentes réponses possibles. Instruire un problème philosophique c’est cheminer de telle manière à approfondir les différentes réponses possibles, peut-être aussi en écartant celles qui ne tiennent pas. Toujours est-il qu’instruire un problème c’est réfléchir, et cela demande du temps et de la patience. Méfiance donc à l’égard de toute réponse immédiate.

Pour instruire un problème, il apparaît nécessaire de construire une problématique : c’est-à-dire un ensemble de questions permettant d’envisager le problème sous divers aspects de telle manière à pouvoir en faire le tour. Il est une illusion de croire que la problématique peut se réduire à l’expression d’une simple question. Bien au contraire, c’est toute la complexité du problème qui doit être rendu compte. La problématique est en cela, pourrait-on dire, une dramatique, en ce qu’elle révèle à la fois une nécessité de penser et une impossibilité de penser. C’est dire qu’il faut un certain courage pour s’y risquer. « Ose penser ! » dit Kant.

Sujet Question Problème Problématique
Ne pas confondre : Sujet, Question, Problème et Problématique fig.1

En résumé et à retenir la problématique est l’ensemble des questions par lesquelles il faut passer pour traiter le problème que soulève une question à partir d’un sujet donné (fig.1).

L’objet de notre cours est de proposer à la fois une méthode de la dissertation et une réflexion sur la notion de sujet (notion au programme). Nous tenterons en l’occurrence à partir de l’analyse du sujet de la dissertation proposé d’en préciser le problème et de construire une problématique et d’envisager quelques pistes, travail préalable à toute version définitive de la dissertation. Nous le ferons, non pas en proposant une aride et trop théorique méthodologie de la dissertation, à travers un exemple : « Peut-on douter de l’existence du sujet ? »

Pour avoir des exemples de sujets de dissertation voir les annales dans PhiloBac

« Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? »

Analyse du sujet

Plusieurs points du libellé devront faire l’objet d’une étude :

  1. Tout d’abord qu’est-ce que mettre en doute de manière générale ? (fig.2)
  2. Quel sens donner à la notion de sujet ici ? (fig.3)
  3. Que doit-on entendre par « l’existence du sujet » ? (fig.4)
  4. Comment comprendre la mise en doute de l’existence du sujet ? (fig.5)
  5. Enfin, s’il s’agit de savoir si l’on peut ou non mettre en doute l’existence du sujet, comment comprendre « peut-on » ? (fig.6)
Analyse du sujet
Analyse du sujet : « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? » fig.2
Analyse du sujet
Analyse du sujet : « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? » fig.3
Analyse du sujet
Analyse du sujet : « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? fig.4
Analyse du sujet : "Peut-on mettre en doute l'existence du sujet ?"
Analyse du sujet : « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? » fig.5
Analyse du sujet : « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? » fig.6

L’analyse du sujet nous permet d’avoir une une bonne idée du sens que doit prendre le sujet. Il nous suffira de reformuler le sujet en question et de préciser quel problème il soulève. Mais avant, proposons-nous de dégager les présupposés du sujet. Que suppose comme thèse le sujet ?

Les présupposés du sujet

Un présupposé est ce qu’il faut admettre avant toute analyse pour que le sujet puisse être posé. Ici, si l’on se demande si l’on peut ou non mettre en doute l’existence du sujet c’est que l’existence du sujet apparaît comme une évidence, une certitude dont on ne voit pas à première vue en quoi on pourrait la remettre en question.

Une remarque générale : tout sujet n’a pas de présupposés.

mettre en doute l'existence du sujet 06
Analyse du sujet : « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? » fig.7

Reformulation du sujet

Désormais, nous pouvons tenter de reformuler le sujet. Ici, nous donnons plusieurs formulations qui se complètent d’ailleurs.

Analyse du sujet : "Peut-on mettre en doute l'existence du sujet ?"
Reformulation du sujet compris en question : « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? » fig.8

Remarque : il ne faudrait pas se contenter de la première formulation proposée : « le sujet existe-t-il ? » mais c’est bien de cela dont il est question. Le sujet existe-t-il vraiment ? N’est-il pas une illusion de le croire ? Peut-être pensons-nous l’existence du sujet comme une évidence qui nous aveugle ? sur un sentiment de soi trompeur ?

Voyons maintenant quel problème soulève notre question. Le travail qu’il convient désormais de faire est un travail de problématisation.

Le problème dont il est question dans le sujet

 

Tout porte à croire que l’existence du sujet est une certitude absolue. Comment, en effet, puis-je ne pas m’affirmer comme sujet pensant et agissant ? Je suis moi et pas un autre et j’existe en tant que sujet conscient : je sais que j’existe en tant qu’être pensant et agissant, je le reconnais et le revendique. Pourtant, à bien des égards, ce qui apparaît comme une évidence, une certitude, peut être remis en question, et n’être au finale qu’une croyance illusoire. D’une part, ne m’arrive-t-il pas parfois d’être tiraillé entre ma volonté et un désir vif ou de contester mon identité compte tenu des changements qui se sont produits en moi au cours du temps ? D’autre part, ne suis-je pas finalement ce que je n’ai jamais décidé d’être et qui m’échappe, à savoir un condensé complexe, d’une culture, d’une société, d’une histoire, provenant d’une éducation particulière ? En outre, sur le plan psychique, des cas, de dédoublement de personnalité par exemple, mettent bien à mal l’unité même du sujet.
Cette mise en doute de l’existence du sujet est en même temps une mise en péril de toute idée de l’homme capable de rendre compte de ses idées, d’en revendiquer la paternité (être l’auteur de ses idées et de sa pensée) et de justifier de ses actes en tant qu’être libre et responsable. Doit-on alors renoncer à se considérer comme sujet ? L’activité intellectuelle et la responsabilité morale n’exigent-elles pas comme fondement minimal et nécessaire l’unité et l’identité du sujet ? Que deviennent-elles sans la référence à un auteur et acteur, une unité et identité à l’origine de la pensée et de l’action. Tout le problème est donc de savoir comment on peut à la fois mettre en doute l’existence du sujet et maintenir l’intellectualité et la moralité de l’homme ?

Remarque : la formulation du problème n’est pas nécessairement l’expression d’une simple question. Il ne faut pas hésiter à produire du texte.

Sans doute peut-on maintenant commencer par élaborer une démarche, ce que l’on appelle plan.

Construction d’une démarche (préparation du développement)

mettre en doute l'existence du sujet 08
Élaboration d’une démarche – « Peut-on mettre en doute l’existence du sujet ? » fig.9

Remarque : Construire une démarche de développement n’est autre que construire un guide pour la rédaction du développement. Il faudra donc qu’il soit aussi détaillé que possible. Il ne faudra pas par exemple se contenter, comme semble montrer la fig.9, d’intituler les grandes parties. Nous ferons ultérieurement un articles consacré au plan, car nombreuses sont les questions sur le nombre de parties et sur le contenu de chacune des parties. Retenons en ce début d’année qu’il n’est pas possible proposer un devoir avec une seule partie ni en plus de quatre parties ; que l’on ne peut confondre partie et paragraphe ; qu’entre les parties il y a des transitions.

Des exemples et des références pour nourrir la réflexion

mettre en doute l'existence du sujet 09
Des exemples – « Peut-on douter de l’existence du sujet ? » fig.10

 

Pour les références, proposition d’un exercice :

Exercice

Objectifs : Usage des références dans une dissertation / approfondissement de la notion de « sujet »

Consignes : Lire et travailler les extraits de texte suivants de telle manière à les envisager comme des références possibles dans le développement de la dissertation sur le sujet « Peut-on douter de l’existence du sujet ? »

 

Texte 1

Platon
Platon

SOCRATE – Comment pourrions-nous maintenant savoir le plus clairement possible ce qu’est « soi-même ». Il semble que lorsque nous le saurons, nous nous connaîtrons aussi nous-mêmes. Mais par les dieux, cette heureuse parole de l’inscription delphique que nous rappelions à l’instant, ne la comprenons-nous pas ?

ALCIBIADE – Qu’as-tu à l’esprit en disant cela Socrate ?

SOCRATE – Je vais t’expliquer ce que je soupçonne que nous dit et nous conseille cette inscription. Il n’y en a peut-être pas beaucoup de paradigmes, si ce n’est la vue.

ALCIBIADE –  Que veux-tu dire par là?

SOCRATE – Examine la chose avec moi. Si c’était à notre regard, comme à un homme que cette inscription s’adressait en lui conseillant : « regarde-toi toi-même », comment comprendrions-nous cette exhortation ? Ne serait-ce pas de regarder un objet dans lequel l’œil se verrait lui-même ?

ALCIBIADE – Evidemment.

SOCRATE – Quel est, parmi les objets, celui vers lequel nous pensons qu’il faut tourner notre regard pour à la fois le voir et nous voir nous-mêmes ?

ALCIBIADE – C’est évidemment un miroir, Socrate, ou quelque chose de semblable.

SOCRATE – Bien dit. Mais, dans l’œil grâce auquel nous voyons, n’y a-t-il pas quelque chose de cette sorte?

ALCIBIADE – Bien sûr.

SOCRATE – N’as-tu pas remarqué que, lorsque nous regardons l’œil de quelqu’un qui nous fait face, notre visage se réfléchit dans sa pupille comme dans un miroir, ce qu’on appelle aussi la poupée, car elle est une image de celui qui regarde ?

ALCIBIADE – Tu dis vrai.

SOCRATE – Donc, lorsqu’un œil observe un autre œil et qu’il porte son regard sur ce qu’il y a de meilleur en lui, c’est-à-dire ce par quoi il voit, il s’y voit lui-même.

ALCIBIADE – C’est ce qu’il semble.

SOCRATE – Mais si, au lieu de cela, il regarde quelque autre partie de l’homme ou quelque autre objet, à l’exception de celui auquel ce qu’il y a de meilleur en l’œil est semblable, alors il ne se verra pas lui-même.

ALCIBIADE – Tu dis vrai.

SOCRATE – Ainsi, si l’œil veut se voir lui-même, il doit regarder un œil et porter son regard sur cet endroit où se trouve l’excellence de l’œil. Et cet endroit de l’œil, n’est-ce pas la pupille ?

ALCIBIADE – C’est cela.

SOCRATE – Eh bien alors, mon cher Alcibiade, l’âme aussi, si elle veut se connaître elle-même, doit porter son regard sur une âme et avant tout sur cet endroit de l’âme où se trouve l’excellence de l’âme, le savoir, ou sur une autre chose à laquelle cet endroit de l’âme est semblable.

ALCIBIADE – C’est ce qu’il me semble, Socrate.

SOCRATE – Or, peut-on dire qu’il y a en l’âme quelque chose de plus divin que ce qui a trait à la pensée et à la réflexion?

ALCIBIADE – Nous ne le pouvons pas.

SOCRATE – C’est donc au divin que ressemble ce lieu de l’âme, et quand on porte le regard sur lui et que l’on connaît l’ensemble du divin, le dieu et la réflexion, on serait alors au plus près de se connaître soi-même.

ALCIBIADE – C’est ce qu’il semble.

Platon, Alcibiade

 

Texte 2

René Descartes
René Descartes 1596 -1650

Je ne sais si je dois vous entretenir des premières méditations que j’y ai faites car elles sont si métaphysiques et si peu communes qu’elles ne seront peut-être pas au goût de tout le monde. Et toutefois, afin qu’on puisse juger si les fondements que j’ai pris sont assez fermes, je me trouve en quelque façon contraint d’en parler. J’avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu’on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu’il a été dit ci-dessus ; mais, pour ce qu’alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu’il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s’il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fût telle qu’ils nous la font imaginer. Et pour ce qu’il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j’étais sujet à faillir, autant qu’aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu’il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en l’esprit, n’étaient non plus vraies que les illusions de mes songes. Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.

René Descartes, Discours de la Méthode, IVe partie

Texte3

Nietzsche
Nietzsche

Pour ce qui est de la superstition des logiciens, je ne me lasserai jamais de souligner un petit fait que ces esprits superstitieux ne reconnaissent pas volontiers à savoir qu’une pensée se présente quand « elle » veut, et non pas quand « je » veux ; de sorte que c’est falsifier la réalité que de dire : le sujet « je » est la condition du prédicat « pense ». Quelque chose pense, mais que ce quelque chose soit justement l’antique et fameux « je », voilà, pour nous exprimer avec modération, une simple hypothèse, une assertion, et en tout cas pas une « certitude immédiate ». En définitive, ce « quelque chose pense » affirme déjà trop ; ce « quelque chose » contient déjà une interprétation du processus et n’appartient pas au processus lui-même. En cette matière, nous raisonnons d’après la routine grammaticale : « Penser est une action, toute action suppose un sujet qui l’accomplit, par conséquent… » C’est en se conformant à peu près au même schéma que l’atomisme ancien s’efforça de rattacher à l’« énergie » qui agit une particule de matière qu’elle tenait pour son siège et son origine, l’atome. Des esprits plus rigoureux nous ont enfin appris à nous passer de ce reliquat de matière, et peut-être un jour les logiciens s’habitueront-ils eux aussi à se passer de ce « quelque chose », auquel s’est réduit le respectable « je » du passé.

Friedrich Nietzsche, Par-delà le bien et le mal §17 (1886)

Texte 4

Sartre
Sartre

Je suis triste. Cette tristesse que je suis, ne la suis-je point sur le mode d’être ce que je suis ? Qu’est-elle, pourtant, sinon l’unité intentionnelle qui vient rassembler et animer l’ensemble de mes conduites ? Elle est le sens de ce regard terne que je jette sur le monde, de ces épaules voûtées, de cette tête que je baisse, de cette mollesse de tout mon corps. Mais ne sais-je point, dans le moment même où je tiens chacune de ces conduites, que je pourrai ne pas la tenir ? Qu’un étranger paraisse soudain et je relèverai la tête, je reprendrai mon allure vive et allante, que restera-t-il de ma tristesse, sinon que je lui donne complaisamment rendez-vous tout à l’heure, après le départ du visiteur ? (…) être triste, n’est-ce pas d’abord se faire triste ? Soit, dira-t-on. Mais se donner l’être de la tristesse, n’est-ce pas malgré tout recevoir cet être ? Peu importe, après tout, d’où je le reçois. Le fait, c’est qu’une conscience qui s’affecte de tristesse est triste, précisément à cause de cela. Mais c’est mal comprendre la nature de la conscience : l’être-triste n’est pas un être tout fait que je me donne, comme je puis donner ce livre à mon ami. Je n’ai pas qualité pour m’affecter d’être. Si je me fais triste, je dois me faire triste d’un bout à l’autre de ma tristesse, je ne puis profiter de l’élan acquis et laisser filer ma tristesse sans la recréer ni la porter, à la manière d’un corps inerte qui poursuit son mouvement après le choc initial : il n’y a aucune inertie dans la conscience. Si je me fais triste, c’est que je ne suis pas triste ; l’être de la tristesse m’échappe par et dans l’acte même par quoi je m’en affecte.

Jean-Paul Sartre, L’Etre et le Néant

 

TL. Devoir n°1 : « Puis-je ne pas être moi-même ? »

Pour mercredi 16 septembre 2015, rédigez une dissertation à partir du sujet suivant :

« Puis-je ne pas être moi-même ? »

man-ray-masque-ebene
Man Ray, Visage de nacre et masque d’ébène, 1926

 

Quelques consignes pour la dissertation

Une dissertation comporte une introduction dans laquelle vous présentez le sujet en précisant le problème qu’il pose, un développement dans lequel vous instruisez le problème dont il est question dans le sujet et une conclusion qui dresse le bilan de la réflexion menée et qui répond au problème formulé dans l’introduction. Mais avant toute rédaction, il convient de mettre en chantier la pensée en travaillant le sujet de telle manière à lui donner du sens et de creuser différentes pistes de réflexion. Autrement dit, il vous faudra commencer par un travail préparatoire qui s’effectuera au brouillon, brouillon que vous glisserez dans votre copie.

Vous pourrez parler du sujet entre vous et avec vos proches. Si une pensée est personnelle elle n’est cependant pas une pensée solitaire et isolée des autres pensées. Autrement dit, la confrontation des pensées ne peut être qu’une bonne chose. En revanche, la reprise pure et simple d’une pensée trouvée sur internet par exemple, n’est évidemment pas une pensée personnelle. Nous verrons ultérieurement, qu’une pensée personnelle n’est pas simplement l’adhésion à une opinion mais une construction patiente, exigeante et critique.

En outre, il sera toujours possible de déposer vos remarques ou vos questions en utilisant la fonction commentaire.

Rimbaud
Rimbaud, dans une lettre à Paul Demeny en 1871 s’exclame « je est un autre ! » pour exprimer une conception originale de la création artistique. L’artiste, lorsqu’il crée, n’est pas le maître de qui s’exprime en lui , l’œuvre s’engendre en profondeur. « J’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute ».

Autrui. Travail sur la notion 5

autruiCi-dessous, une liste de 49 sujets de dissertation portant sur la notion d’autrui. L’exercice proposé est de regrouper les sujets en faisant des rapprochements selon les problèmes abordés. Il conviendra de justifier les choix.

  1. Le désir suppose-t-il autrui ?
  2. Se laisser guider par autrui, est-ce renoncer à sa liberté ?
  3. Ne désire-t-on que ce que désire autrui ?
  4. N’existons-nous que par le regard d’autrui ?
  5. Faut-il s’identifier à autrui pour le comprendre ?
  6. La passion nous sépare-t-elle d’autrui ?
  7. N’avons-nous de devoirs qu’envers autrui ?
  8. Ai-je intérêt à la liberté d’autrui ?
  9. Suffit-il d’être proche d’autrui pour le connaître ?
  10. Qu’est-ce que comprendre autrui ?
  11. La tolérance va-t-elle jusqu’à laisser autrui dans son erreur ?
  12. Puis-je penser sans autrui ?
  13. La liberté de chacun s’arrête-t-elle seulement là où commence celle d’autrui ?
  14. Suffit-il d’être poli envers autrui pour le respecter ?
  15. Ne fait-on son devoir que par crainte du regard d’autrui ?
  16. Respecter autrui est-ce respecter sa différence ?
  17. Peut-on juger autrui ?
  18. L’homme peut-il être humain sans la présence d’autrui ?
  19. Nos rapports avec autrui sont-ils nécessairement conflictuels ?
  20. Peut-on avoir des exigences à l’égard d’autrui ?
  21. Ai-je besoin d’autrui pour être objectif ?
  22. Est-il injuste d’exploiter le travail d’autrui ?
  23. Avons-nous besoin d’autrui pour être libres ?
  24. Le dialogue permet-il de surmonter les obstacles qui nous empêchent de comprendre autrui ?
  25. Pour aimer autrui faut-il le connaître ?
  26. Avons-nous besoin d’autrui pour avoir conscience de nous-mêmes ?
  27. Est-il plus facile de connaître autrui que de se connaître soi-même ?
  28. Peut-on faire le bonheur d’autrui ?
  29. Faut-il aimer autrui pour le respecter ?
  30. Autrui est-il mon semblable ?
  31. Peut-on se connaître soi-même sans l’aide d’autrui ?
  32. Autrui est-il un autre moi-même ?
  33. Comment justifier le respect d’autrui ?
  34. Toute relation à autrui est-elle porteuse de conflits ?
  35. Nos relations avec autrui sont-elles nécessairement conflictuelles ?
  36. Ne désire-t-on que ce qui a de la valeur pour autrui ?
  37. Toute relation à autrui est-elle un échange ?
  38. Pour bien agir, faut-il vouloir le bien d’autrui ?
  39. Peut-on convaincre autrui qu’une oeuvre d’art est belle ?
  40. Le respect d’autrui exclut-il toute passion ?
  41. L’amitié est-elle la forme idéale du rapport à autrui ?
  42. La présence d’autrui nous évite-t-elle la solitude ?
  43. Au nom de quoi peut-on reprocher à autrui d’être égoïste ?
  44. Suis-je dans le même temps qu’autrui ?
  45. Ne respectons-nous autrui qu’afin qu’il nous respecte ?
  46. A-t-on le devoir d’aimer autrui ?
  47. Faut-il vivre pour autrui ?
  48. Respecter autrui est-ce respecter en lui la personne humaine ?
  49. La conscience de soi suppose-t-elle autrui ?

Compte-rendu de la mise en commun de l’exercice (séance 1 – TL)

Sujets sur autrui TL

Le travail est à poursuivre, mais il conviendra notamment de formuler le problème dont il est question dans chacun des groupes de sujets et d’être attentif aux nuances qu’apporte chaque sujet, leur « biais ».

Compte-rendu de l’exercice (TL – séance 2)

Sujets sur autrui TL 2L’exercice est à poursuivre, notamment en ce qui concerne les sujets qui articulent la notion d’autrui avec d’autres notions au programme. En outre, il convient de reprendre chacun des groupes trouvés et de proposer à chaque fois un texte exprimant une problématique en proposant un fil conducteur entre les sujets.

 

Le savant doit-il fuir l’incertitude ?

Le philosophe Alain

A la demande de certaines personnes, j’ouvre cet article sur le sujet suivant :

Le savant doit-il fuir l’incertitude ?

Nous sommes au début de l’année, et pour beaucoup d’élèves de terminale c’est le temps de produire leur première dissertation de philosophie. Et ce n’est pas parce que l’on en n’a jamais fait qu’il ne faut pas se lancer, il faut bien comme on dit une première fois. Il faut se lancer et savoir se mettre en danger, accepter l’idée qu’il s’agit d’une expérience de pensée et non une activité se contenter de suivre de manière scrupuleuse des recettes et des formules. Pour cela, il faut un certain courage, non pas parce que ce n’est pas facile, mais parce qu’il y a une implication forte de soi. « Aie le courage de te servir de ton propre entendement ! » telle est la devise des Lumières selon Emmanuel Kant, telle doit être la devise de tout penseur, à commencer par l’élève-philosophe.

Donc, que l’on ne compte pas sur ce site pour avoir un prêt-à-penser, comme il existe un prêt-à-porter, qu’il suffirait de copier et de coller. Cet espace qui est ici ouvert dans ce PhiloBlog c’est un espace de mise en chantier, d’expérience de pensée. Et si possible un espace partagé !

Un célèbre savant, le Professeur Tournessol

Après un rappel de ces principes venons-en au sujet que l’on m’a suggéré. « Le savant doit-il fuir l’incertitude ? » Commençons par interroger le sujet pour savoir ce qu’il peut dire de lui-même. Il me semble qu’avant de chercher ailleurs, dans un cours, sur un site ou dans des livres, il convient en premier lieu de travailler le sujet pour en extraire ce qu’il peut vouloir impliquer.

COMPRENDRE LE SUJET

1°) Tout d’abord, quelle est ou quelles sont les notions du programme de philosophie auxquelles se réfère ce sujet ? Une première difficulté à ce niveau est déjà de pouvoir faire ce travail d’identification, puisque aucune n’apparaît en toute lettre. On peut cependant rapprocher les notions du sujet au moins d’une notion du programme. Laquelle, lesquelles ?

Une remarque : la plupart des sujets du baccalauréat aujourd’hui comporte directement une ou plusieurs notions au programme de la série présentée. Ce sujet offre donc une difficulté supplémentaire.

Toujours est-il qu’une fois la ou les notions repérées, il convient d’envisager tous les sens possibles sans faire de tri tout d’abord. Il sera temps ensuite de ne se réserver que les sens en fonction de leur pertinence à l’égard du sujet.

2°) Il faut s’interroger sur le sens des autres notions, ici « savant » et « incertitude ».

3°) Une attention toute particulière doit être portée sur ce qui articule les notions du sujet. Ici, « doit fuir » articule savant et incertitude ; « doit fuir » est un groupe verbal comportant deux notions qui devront être traitées comme telles : la notion de « devoir » et la notion de « fuite ». En outre, remarquons les articles, notamment « LE savant » et non « UN savant », ni « être savant ».

4°) Le sujet nous interroge sur la démarche même du savant, son attitude, son devoir ? Que doit faire le savant ? Mais pour quoi faire justement ? Pour être savant précisément ou pour le demeurer. Donc pour commencer il convient de s’interroger sur ce qu’est-ce qu’un savant et sur son attitude. Un savant c’est celui qui sait littéralement parlant. Un savant est celui qui en principe possède le savoir. Qu’est-ce que savoir ? Qu’est-ce que le savoir ? Le sujet semble suggérer que le savoir est un ensemble de certitudes. A moins que le savoir ne soit pas nécessairement vrai !

Si un savant est celui qui possède le savoir, il peut paraître étrange de vouloir s’interroger sur son attitude. Dès lors, en effet, que l’on possède le savoir il semble incongru de se demander s’il doit fuir l’incertitude car en principe du fait même qu’il possède le savoir il se tient loin de toute incertitude, son savoir étant certitude. Le savant n’est-il pas celui qui se contente de contempler la certitude ?

Quelle attitude le savant doit il avoir face à l’incertitude ? En quoi fuir l’incertitude peut-il être un devoir pour le savant ? La fuir comme si c’était la peste ? Ne devrait-il pas plutôt s’y confronter ? Ne peut-elle pas jouer un rôle dans l’acte même de savoir ?

Après cette première étape nous tâcherons de problématiser.

Dans l’attente de nos échanges…

Toute contribution devra faire l’effort d’être correct tant sur la plan de l’expression que du comportement.

Peut-on vouloir la justice au mépris du droit ?

Peut-on vouloir la justice au mépris du droit ?

Pourquoi ne pas réviser la philosophie en vous entraînant sur ce sujet, proposé aux élèves de la série ES, au Liban, dans le cadre du baccalauréat 2014 ?

Quel est le problème dont il est question dans ce sujet ? Et quelle démarche pourriez-vous proposer ?

  • Vous pouvez en commentaire lien leave a comment , proposer des formulations de problèmes, vos réflexions, …. ou même vos questions…