BAC PHILO 2016. Les sujets du Liban pour la série S

philobac2016
Sujet 1 :

Sait-on ce qu’on désire ?

Sujet 2 :

L’esprit dépend-il de la matière ?

Sujet 3 :

Expliquez le texte suivant :
« Tout ce qui donne sa valeur à notre existence repose sur les restrictions posées aux actions d’autrui. Il est donc nécessaire d’imposer certaines règles de conduite, par la loi d’abord ; puis, pour les nombreuses questions qui ne sont pas de son ressort, par l’opinion. Ce que doivent être ces règles est le problème majeur des sociétés humaines. C’est un problème qui n’a pas encore trouvé de solution véritable. Il n’y a pas deux époques, voire deux pays, qui l’aient tranché de la même façon ; et la solution adoptée par une époque ou un pays donné a toujours été une source d’étonnement pour les autres. Pourtant, l’humanité n’a jamais accordé à ce problème qu’une attention limitée, comme s’il y avait toujours eu consensus sur la question. Les règles qui ont cours dans les différents pays sont si évidentes pour leurs habitants qu’elles semblent naturelles. Cette illusion universelle est un exemple de l’influence magique de l’habitude qui (…), non seulement devient une seconde nature, mais se confond constamment avec la première. La coutume, qui neutralise toute critique éventuelle des règles de conduite que l’humanité s’impose à elle-même, est une arme d’autant plus efficace que nul n’éprouve généralement le besoin de la remettre en question, que ce soit collectivement ou individuellement. »

MILL, De la liberté (1959)

Bac 2016. Les sujets de philo d’Amérique du nord pour la Série L

Sujet 1

Une vérité scientifique peut-elle être approximative ?

Sujet 2

Peut-on être soi-même devant les autres ?

Sujet 3

« Le royaume de la liberté commence seulement là où l’on cesse de travailler par nécessité et opportunité imposée de l’extérieur ; il se situe donc, par nature, au-delà de la sphère de la production matérielle proprement dite. De même que l’homme primitif doit lutter contre la nature pour pourvoir à ses besoins, se maintenir en vie et se reproduire, l’homme civilisé est forcé, lui aussi, de le faire et de le faire quels que soient la structure de société et le mode de production. Avec son développement s’étend également le domaine de la nécessité naturelle, parce que les besoins augmentent ; mais en même temps s’élargissent les forces productives pour les satisfaire. En ce domaine, la seule liberté possible est que l’homme social, les producteurs associés, règlent rationnellement leurs échanges avec la nature, qu’ils la contrôlent ensemble au lieu d’être dominés par sa puissance aveugle et qu’ils accomplissent ces échanges en dépensant le minimum de force et dans les conditions les plus dignes, les plus conformes à leur nature humaine. Mais cette activité constituera toujours le royaume de la nécessité. »

Karl MARX, Le Capital (1867)

Nietzsche. « Ne venez pas me parler de dons naturels ».

Nietzsche
Nietzsche 1844-1900

Ne venez surtout pas me parler de dons naturels, de talents innés ! On peut citer dans tous les domaines de grands hommes qui étaient peu doués. Mais la grandeur leur est venue, ils se sont faits « génies » (comme on dit), grâce à certaines qualités dont personne n’aime à trahir l’absence quand il en est conscient ; ils possédaient tous cette solide conscience artisanale qui commence par apprendre à parfaire les parties avant de se risquer à un grand travail d’ensemble ; ils prenaient leur temps parce qu’ils trouvaient plus de plaisir à la bonne facture du détail, de l’accessoire, qu’à l’effet produit par un tout éblouissant. Il est facile, par exemple, d’indiquer à quelqu’un la recette pour devenir bon nouvelliste, mais l’exécution en suppose des qualités sur lesquelles on passe en général en disant : « je n’ai pas assez de talent ». Que l’on fasse donc cent projets de nouvelles et davantage, aucun ne dépassant deux pages, mais d’une précision telle que chaque mot y soit nécessaire ; que l’on note chaque jour quelques anecdotes jusqu’à savoir en trouver la forme la plus saisissante, la plus efficace, que l’on ne se lasse pas de collectionner et de brosser des caractères et des types d’humanité, que l’on ne manque surtout pas la moindre occasion de raconter et d’écouter raconter, l’oeil et l’oreille attentifs à l’effet produit sur les autres, que l’on voyage comme un paysagiste, comme un dessinateur de costumes, que l’on extraie d’une science après l’autre tout ce qui, bien exposé, produit un effet d’art, que l’on réfléchisse enfin aux motifs des actions humaines, ne dédaigne aucune indication qui puisse en instruire, et soit jour et nuit à collectionner les choses de ce genre. On laissera passer une bonne dizaine d’années en multipliant ces exercices, et ce que l’on créera alors en atelier pourra se montrer aussi au grand jour de la rue.

NIETZSCHE, Humain, trop humain

Exercice. Quels sont les parts de l’inné et de l’acquis chez l’homme ?

  • Réponse de Axel KAHN :

Vaste question fort débattue. L’inné est la part de notre personnalité liée à nos gènes transmis par nos parents à la naissance, alors que l’acquis est la part liée à l’environnement : la culture, l’éducation, l’expérience personnelle, etc. L’opposition entre les tenants d’une influence déterminante de l’inné et ceux de l’acquis est largement artificielle. En effet, on peut dire que l’homme a la capacité innée d’acquérir, ce qui fait toute sa spécificité et sa richesse. C’est parce que les gènes humains permettent d’édifier un psychisme humain que l’homme est si sensible aux empreintes laissées par son milieu, en particulier à l’influence de la culture et de l’éducation. Il est certain que les gènes doivent pouvoir intervenir dans telle ou telle caractéristique du cerveau humain, modulant plus ou moins son type de réactivité à l’environnement. Cependant, le modelage par ce dernier jouera à l’évidence un rôle essentiel dans l’édification du psychisme.

  • Vidéo : Joël de Rosnay et la notion d’épigénétique

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TS. Réflexion sur la notion de culture

Nous abordons la notion de culture. Il s’agit d’une préparation au cours qui aura lieu en amphi prochainement, « L’homme comme un être de culture » et qui correspondra après « L’homme comme sujet », à la deuxième grande partie du cours de philosophie.

Nous avons, durant une heure, causé plutôt librement sur cette notion en suivant la « logique » de la simple juxtaposition d’idées ou méthode de libre-association. Les cartes heuristiques ci-dessous donnent à voir le paysage des idées qui ont été évoquées.

La culture ts1

« Culture » a fait immédiatement penser à la tradition et quelque chose qui se transmet de générations en générations, à ce qui est de l’ordre de l’histoire, une histoire commune dans laquelle on se reconnaît, et, de l’ordre de mode d’existence ou manière de vivre commune. A partir de là, il est apparu plusieurs points importants : la culture concerne l’homme, elle le définit en tant qu’homme ; il existe une pluralité de cultures, ce qui signifie que chaque culture a sa particularité propre ; il existe aussi un sens particulier de culture lorsqu’on parle de « culture générale ».

La culture ts2

La culture concerne l’homme, cela semble une évidence. Encore que le doute puisse être permis lorsqu’on pense à certains animaux comme les dauphins qui apprennent à partir d’expériences, communiquent et transmettent ce qu’ils ont appris. Peut-on alors parler de culture chez l’animal ? Cependant si le doute est permis, l’animal reste un animal de la nature, si l’on entend par là, l’ensemble des instincts et des dispositions naturelles. L’animal est adapté naturellement à son milieu, il est comme programmé pour l’être. La nature est l’ensemble de ce qui est inné, par opposition à la culture qui est l’ensemble de ce qui est acquis, appris. Toute la question est de savoir quelles sont les parts de l’inné et de l’acquis chez l’homme ? Sans nier la part du physiologique, du biologique et du génétique, ce qui fait que l’homme est l’homme et non pas simplement animal provient surtout de la transmission et de la culture. D’où l’importance chez l’homme de l’éducation.

La culture concerne l’homme, elle est sa condition. En effet, d’une part, la nature semble très peu hospitalière à l’homme et d’autre part, ces dispositions naturelles apparaissent bien pauvres pour lui permettre à elles seules de survivre. Sa survie , il la doit au travail, c’est-à-dire à l’effort de transformation de la nature. C’est en cultivant la terre, c’est en développant les techniques de chasse et de pêche qu’il peut se nourrir.

L’homme est un être de culture en tant qu’il est un être de parole et de technique. Le langage apparaissent comme des éléments importants de la culture. Mais il ne faudrait pas oublier, l’art, l’histoire et la religion. On voit par là que l’homme s’inscrit contre la nature. Langage, technique, art, religion sont culturels par excellence, ils sont inventés par l’homme et se transmettent de générations en générations, à travers l’histoire.

La culture ts3

Si l’homme est un être de culture, que la culture est sa propre condition, un point important nous apparu c’est celui de constater que la culture apparaît dans une grande diversité et que chaque culture se singularise d’une autre dans le temps et l’espace. L’histoire révèle cette multiplicité de cultures singulières et aujourd’hui, on peut constater cette diversité.

On reconnaît une culture, sa singularité par sa langue, les croyances, les croyances, les moeurs, les coutumes et habitude. Chaque culture a chaque propre conception du monde.

La culture ts4

Nous avons également évoqué un sens qui apparaît un peu particulier : culture au sens de connaissance, lorsqu’on dit qu’un homme est cultivé ou qu’il a de la culture.

Voilà en ce qui concerne la synthèse de notre réflexion pour l’instant.

Quelques pistes pour aller plus loin.

Si pour l’instant, notre pensée est en chantier, quelques pistes, sans doute parmi d’autres, s’offrent déjà à notre réflexion.

  1. Quelles sont les parts de la nature et de la culture chez l’homme ? Est-il homme par nature ou bien le devient-il par l’éducation ? Comment comprendre le passage de la nature à la culture chez l’homme ? Y a-t-il eu et y a-t-il des hommes naturelles ? L’homme à l’état de nature, est-il un mythe ou une réalité ? Que serait l’homme sans éducation, sans les apports de la culture ?

    Mowgli
    Mowgli, l’enfant sauvage dans la fiction « Le livre de la jungle » de Rudyard Kipling
  2. Si l’homme a dû oeuvrer contre la nature pour des raisons de survie, ne va-t-il pas trop loin aujourd’hui dans son intervention ? L’environnement naturel n’est-il pas menacé par toutes les activités humaines ? L’homme initialement le plus démuni du point de vue dispositions naturelles, en développant sa puissance est devenu le prédateur par excellence ?
  3. La pluralité des cultures n’empêche-t-elle pas la bonne entente entre les hommes ? Ne peut-on pas expliquer un certain nombre de conflits et de guerre par l’incompréhension entre cultures ? Peut-on comparer les différentes cultures entre elles ? A-t-on le droit de juger la culture de l’autre ?
  4. Doit-on confondre un homme cultivé et un homme érudit ?
  5. Une remarque : nous n’avons pas évoqué l’idée de la culture comme ce qui s’oppose à la sauvagerie, à la barbarie ; nous n’avons pas insisté sur l’idée de la culture comme acte civilisateur. Nous n’en étions pas loin lorsque nous nous parlions de transmission et d’éducation. La question est ici de savoir si la culture nous permet d’échapper à la barbarie.

La culture est-elle suffisante pour nous rendre plus humains ?

Sartre et l'esthétique de Kant kant-237x300« Nous sommes cultivés au plus haut degré par l’art et par la science. Nous sommes civilisés, jusqu’à en être accablés, par la politesse et les bienséances sociales de toute sorte. Mais nous sommes encore loin de pouvoir nous tenir pour déjà moralisés. Si en effet l’idée de la moralité appartient bien à la culture, la mise en pratique de cette idée qui n’aboutit qu’à une apparence de moralité dans l’amour de l’honneur et la bienséance extérieure, constitue simplement la civilisation. Or tant que les États jettent toutes leurs forces dans leurs projets d’extension vains et violents, tant qu’ils entravent ainsi sans cesse le lent effort de formation intérieure du mode de penser de leurs citoyens, et qu’ils leur retirent ainsi toute aide en vue de cette fin, une fin semblable ne peut être atteinte, car sa réalisation exige que, par un long travail intérieur, chaque communauté forme ses citoyens. Or, tout bien qui n’est pas greffé sur une intention moralement bonne n’est qu’apparence criante et brillante misère. C’est dans cet état que l’espèce humaine restera jusqu’à ce qu’elle s’arrache par son travail […] à l’état chaotique de ses relations internationales. »

Kant, Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique

Que permet la culture ?

« A l’école, en effet, l’activité de l’enfant commence à acquérir, de façon essentielle et radicale, une signification sérieuse, à savoir qu’elle n’est-plus abandonnés à l’arbitraire et au hasard, au plaisir et au penchant du moment ; l’enfant apprend à déterminer son agir d’après un but et d’après des règles, il cesse de valoir à cause de sa personne immédiate, et commence de valoir suivant ce qu’il fait et de s’acquérir du mérite. Dans la famille, l’enfant doit agir comme il faut dans le sens de l’obéissance personnelle et de l’amour ; à l’école, il doit se comporter dans le sens du devoir et d’une loi, et, pour réaliser un ordre universel, simplement formel, faire telle chose et s’abstenir de telle autre chose qui pourrait bien autrement être permise à l’individu. Instruit au sein de la communauté qu’il forme avec plusieurs, il apprend à tenir compte d’autrui ; à faire confiance à d’autres hommes qui lui sont tout d’abord étrangers et à avoir confiance en lui-même vis-à-vis d’eux, et il s’engage ici dans la formation et la pratique de vertus sociales.

C’est dans ce contexte que commence désormais pour l’homme l’existence double en laquelle sa vie en général vient se briser et qui fournit les extrêmes, se durcissant dans l’avenir, entre lesquels il a à maintenir cette vie rassemblée avec elle-même. La totalité première de ses conditions de vie est disparue ; il appartient maintenant à deux sphères séparées, dont chacune ne revendique qu’un côté de son existence. En dehors de ce que l’école exige de lui, il y a en lui un côté libre de l’obéissance qui la caractérise, côté qui, pour une part, est abandonné encore à l’ordre de la maison, mais, pour une autre part, aussi, à son arbitre et à sa détermination propres. De même qu’il acquiert par-là, en même temps, un côté qui n’est plus déterminé par la simple vie -familiale-, ainsi qu’un mode d’existence propre et des devoirs particuliers.

L’une des conséquences qui résultent de la nature de ce rapport, telle qu’on l’a considérée, concerne le ton et le mode d’application extérieur, comme aussi le champ, de la discipline, qui peuvent être liés à sa mise en œuvre dans un établissement comme le nôtre. Les concepts de ce qu’il faut entendre par discipline, et discipline scolaire en particulier, se sont beaucoup modifiés dans le progrès de la culture. L’éducation a été, de plus en plus, considérée à partir du point de vue correct selon lequel elle doit être, essentiellement, plus un soutien qu’un accablement du sentiment de soi qui s’éveille, c’est-à-dire une formation en vue de l’indépendance. C’est ainsi que, dans les familles, tout autant que dans les maisons d’éducation, s’est perdue, de plus en plus, la pratique consistant à donner à la jeunesse, en toute occasion quelle qu’elle soit, le sentiment de la soumission et de l’absence de liberté, à la faire obéir, même dans ce qui est indifférent, à un autre arbitre qu’au sien propre, – à exiger une obéissance à vide pour l’obéissance même, et à obtenir, par la dureté, ce qui réclame simplement le sentiment de l’amour, du respect, et du sérieux de la Chose. – Ainsi, il faut exiger des élèves étudiant dans notre établissement, du calme et de l’attention dans les cours, un comportement honnête à l’égard des maîtres et des condisciples, la remise des travaux imposés, et, d’une façon générale, l’obéissance qui est nécessaire pour que le but des études soit atteint. Mais cela implique en même temps que soit laissée libre la manière d’agir relativement à des choses indifférentes, qui sont en dehors de l’ordre. Dans le climat de sociabilité propre à l’étude, dans le commerce dont le lien et l’intérêt sont constitués par la science et l’activité de l’esprit, ce qui convient le moins, c’est un ton excluant la liberté ; une société de gens qui étudient ne peut pas être considérée comme un rassemblement de domestiques, et ils ne doivent pas en avoir la mine ni la démarche. L’éducation à l’indépendance exige que la jeunesse soit habituée de bonne heure à consulter son sentiment propre de ce qui convient et son entendement propre, et qu’il soit laissé à sa liberté, là où elle est entre soi et dans ses rapports à des personnes plus âgées, une sphère où elle détermine elle-même son comportement. »

Hegel, Textes pédagogiques