Radicalité et banalité du mal

LA QUESTION DU MAL, ENTRE RADICALITÉ ET BANALITÉ

Par Myriam Revault D’Allonnes

« Radicalité du mal, banalité du mal » : deux expressions apparemment opposées, que Myriam Revault d’Allonnes s’attachera à rapprocher en montrant combien l’hypothèse kantienne du mal radical permet de faciliter la compréhension de la pensée d’Hannah Arendt, qui, au moment du procès d’Eichmann à Jérusalem, avait associé l’idée de « banalité du mal » à la figure inédite du mal politique moderne (les meurtres de masse, commis sans conscience de culpabilité par des individus parfaitement ordinaires).
M. Revault d’Allonnes a, dans un premier temps, montré en quoi Kant s’est démarqué des approches traditionnelles du mal. Kant, en effet, récuse la logique des théodicées, l’inscrutabilité de l’origine faisant échec à tout schéma explicatif du mal. Il refuse ainsi l’hypothèse du péché originel, de même que toute explication psychologique, qui enracinerait le mal, d’une part dans la sensibilité ou l’irrationalité des passions ; d’autre part dans la dépravation de la raison. Il n’y a donc pas, pour Kant, de « mal absolu », choisi délibérément par un individu « diabolique », mû par l’intention de faire le mal pour le mal. Pour Kant, en effet, l’idée du « mal absolu » et l’hypothèse diabolique ne sont que des moyens de refouler hors de l’humain, la possibilité du mal, permettant ainsi aux hommes ordinaires de s’excepter de toute responsabilité. Aussi Kant opposera le concept de « mal radical ».
Dans un deuxième temps de son exposé, M. Revault d’Allonnes analysera précisément ce concept, en en donnant d’abord le principe : ce qui corrompt le fondement de toutes les maximes morales ; ce qui effrite, à ses racines, la constitution morale. Elle le rattachera ensuite au « fondement subjectif de l’usage de la liberté », qui caractérise la « nature » humaine. L’homme y est pensé comme libre et perfectible, déterminé par une « disposition » au bien, qui constitue en lui la possibilité de l’humanité, mais aussi par un « penchant » « naturel » au mal, qui, subordonnant la raison à la sensibilité, l’autorise à s’écarter des maximes de la loi morale pour privilégier la satisfaction de ses désirs. Dans ce renversement de l’ordre moral, le « penchant » au mal devient perversion du cœur humain.

Reprise des visioconférences du Lycée Jean-Pierre Vernant

EEE_2.3Dans le cadre de son Programme Europe, Éducation, École : http://www.projet-eee.eu/ le lycée Jean-Pierre Vernant de Sèvres reprendra à partir du 01 octobre 2015 la diffusion des cours interactifs de philosophie et de littérature, donnés en visioconférence jeudi matin, de 10h10 à 12h00 (Heure de Paris) : http://www.coin-philo.net/eee.15-16.prog.php
En ce qui nous concerne, cela nous fait nous lever tôt à 4h du matin, encore que pour nombre d’entre nous ce n’est pas loin d’être l’heure à laquelle sonne le réveil pour se rendre au lycée. Mais nous aurons l’occasion de profiter de ces cours de qualité en les suivant de manière différée sur Dailymotion à l’adresse suivante :
A noter que c’est Monsieur Jean-Louis POIRIER, Inspecteur général honoraire de philosophie, qui ouvrira cette saison 2015-2016 par une leçon intitulée : VIE PASSIONNÉE ET TRAGÉDIE.

L’étonnement initial

L’un de nos propos de notre cours d’introduction portait sur l’étonnement comme l’un des ressorts principaux peut-être même le ressort premier de la pensée philosophique. S’il nous faut apprendre à philosopher, alors sans doute nous faut-il développer notre capacité à nous étonner, capacité que nous avons peut-être quelque peu perdue. Celui qui ne s’étonne de rien et qui croit tout savoir est fort éloigné de la penser philosophique. 

Débuter en philosophie c’est commencer par renoncer à dire « je sais ».

Le texte de référence ici proposé est extrait du livre alpha de la Métaphysique d’Aristote.

Vous est ensuite proposé un lien qui peut déjà vous donner une idée de ce qu’est une étude philosophique d’un texte philosophique, exercice à maîtriser pour l’épreuve de philosophie au baccalauréat. 

 

AristoteC’est, en effet, l’étonnement qui poussa comme aujourd’hui, les premiers penseurs aux spéculations philosophiques. Au début, leur étonnement porta sur les difficultés qui se présentaient les premières à l’esprit ; puis, s’avançant ainsi peu à peu, ils étendirent leur exploration à des problèmes plus importants, tels que les phénomènes de la Lune, ceux du Soleil et des étoiles, enfin la genèse de l’Univers. Or apercevoir une difficulté et s’étonner, c’est reconnaître sa propre ignorance (c’est pourquoi même l’amour des mythes est, en quelque manière, amour de la sagesse, car le mythe est un assemblage de merveilleux). Ainsi donc, si ce fut bien pour échapper à l’ignorance que les premiers philosophes se livrèrent à la philosophie, c’est qu’évidemment ils poursuivaient le savoir en vue de la seule connaissance et non pour une fin utilitaire. Et ce qui s’est passé en réalité en fournit la preuve : presque toutes les nécessités de la vie, et les choses qui intéressent son bien-être et son agrément avaient reçu satisfaction, quand on commença à rechercher une discipline de ce genre. Je conclus que, manifestement, nous n’avons en vue dans notre recherche aucun intérêt étranger. Mais, de même que nous appelons libre celui qui est à lui-même sa propre fin et n’existe pas pour un autre, ainsi cette science est aussi la seule de toutes les sciences qui soit une discipline libérale, puisque seule elle est à elle-même sa propre fin.

Aristote, Métaphysique, Livre Alpha

aristote étonnement

Apprendre à philosopher en lisant les philosophes

Vendredi, vous êtes allés chercher vos manuels scolaires qui vont vous accompagner tout au long de l’année tant pour les cours en classe que pour les travaux à la maison. Cette anthologie intitulée « Lire les philosophes », conçue par Gérard Chomienne comme une véritable petite bibliothèque, sera l’un des moyens privilégié pour entrer en philosophie.
chomienne
Cette anthologie, particulièrement adapté au programme de philosophie des Terminales générales, avec une liste enrichie d’auteurs et de textes, est une véritable petite bible de références qui peut mener votre réflexion sur les pas des grands philosophes, ces guides de la pensée que l’histoire a gardé, pour apprendre à philosopher et bien vous préparer aux épreuves de philosophie du baccalauréat.

Que cette anthologie d’auteurs et de textes puisse vous encourager à la lecture des philosophes et vous permettre d’emprunter un itinéraire à travers les méandres de la pensée.

  • Des approches historique et notionnelle qui permettent de mieux comprendre les évolutions de la pensée philosophique et des textes proposés, autant que possibles, en version intégrale ;
  • Une liste de notions expliquées, qui renvoie aux textes et aux auteurs ;
  • Chaque oeuvre est précédée d’une courte introduction et accompagnée de notes expliquant les difficultés lexicales.

Proposition d’exercice : Si vous parcourez cette anthologie, vous pourrez remarquez que l’ordre qui préside à la présentation des oeuvres proposées est chronologique, découpé de la manière suivante :

I. La philosophie antique et médiévale

II. La philosophie du monde moderne

III. La philosophie du monde contemporain

Je vous propose de lire les textes qui inaugurent chacune de ces périodes ainsi que leur présentation, à savoir :

I. pages 17 à 21 : Présentation de la philosophie antique et médiévale :

1) Extrait d’Histoire de la philosophie occidentale de Bertrand Russell

2) Les premiers penseurs grecs et l’étude rationnelle de la nature

3) Les sophistes et le pouvoir de la parole

4) Socrate et la philosophie comme exigence morale

5) Les quatre écoles d’Athènes

6) La source biblique : philosophie et religion

II. pages 157 à 161 : Présentation de la philosophie du monde moderne :

1) Extrait Du monde clos à l’univers infini d’Alexandre Koyré

2) La naissance de la science moderne

3) Une pensée moderne et la politique

4) Un débat nouveau sur la connaissance

5) Rationalisme cartésien ou empirisme anglo-saxon

III. pages 344 à 349 : Présentation de la philosophie du monde contemporain

1) Extrait d’Essai sur l’homme d’Ernst Cassirer

2) L’émergence de l’histoire

3) La croyance dans le progrès

4) La critique des systèmes

5) La crise de la raison

L’espoir fait-il vivre ?

Une série de 4 émissions des Nouveaux chemins de la connaissance :

« L’espoir fait-il vivre ? »

« L’espoir fait vivre ! » dit-on, ou bien « Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! » Que vous donnent à penser ces expressions ?
En cette période de rentrée, je vous propose de réfléchir à cette question, « L’espoir fait-il vivre ? »
Vous pourrez écouter la série des 4 émissions animées par Adèle Van Reeth, diffusées cette semaine sur France Culture. Vous découvrirez la position de différents auteurs, Kierkegaard, Camus, Malraux et Bernanos. L’exercice fécond possible sera de prendre des notes et de partager vos remarques et réactions.

 

L’espoir fait-il vivre ? (1/4): Kierkegaard, au-delà du désespoir
Soren Kierkegaard : lithographie de Neils Christian Kierkegaard

L’espoir fait-il vivre ?

1/4

Kierkegaard, au-delà du désespoir

53 minutes Écouter l'émissionaudio

Un conseil pour bien commencer cette nouvelle année : désespérez! Parce qu’il ne s’agit pas du tout se morfondre et de se résigner, mais de parvenir à une réelle conscience de soi, première étape du salut. Un premier entretien avec Vincent Delecroix, qui vous expliquera comment distinguer espoir du possible et espérance en l’absurde.

Quand l’espoir est un refuge qui dispense d’agir, disons-le clairement, il est inutile. Croiser les bras et soupirer « j’espère » ne vaut ni un faire, ni une prière. Mais quand il est moteur d’action, quand il permet d’échapper à la résignation, quand il accepte le désespoir et cesse de lutter contre lui, alors l’espoir s’étire et change de rime ; il devient l’espérance.

L’espoir fait-il vivre ? Certainement pas. Mais il peut faire mieux vivre, quand il donne le cœur à l’ouvrage, quand il conduit au courage, et, surtout, quand il n’oublie pas, parfois, de rire de lui-même.


Sisyphe par Titien (1548-1549), Musée du Prado

L’espoir fait-il vivre ?

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Camus : « Il faut imaginer Sisyphe heureux »

53 minutes Écouter l'émissionaudio

« Il faut imaginer Sisyphe heureux. »

Condamné à une punition inutile et sans espoir, comment ce héros absurde peut-il être heureux ?

C’est que renoncer à l’espoir ne signifie pas céder au désespoir.

Camus nous apprend aujourd’hui à jouir de la vie et ce, malgré les virulentes critiques de Sartre et de Jeanson. Avec Marylin Maeso.

 


André Malraux, par R. Pic / BNF

L’espoir fait-il vivre ?

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Malraux, ou comment échapper à son destin

53 minutes Écouter l'émissionaudio

Quel est le point commun entre Indiana Jones et André Malraux ?

Au delà de leur goût pour l’expédition archéologique, tous deux embrassent l’aventure humaine et ses imprévus.

Avec le même espoir, nous dit Jean-Claude Larrat :

celui d’échapper au destin imposé par la société.

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Georges Bernanos

L’espoir fait-il vivre ?

4/4

Bernanos, l’espérance d’un curé de campagne

53 minutes Écouter l'émissionaudio

Si « Le désespoir est la charité de l’Enfer, qu’il sait tout, peut tout, veut tout », comment atteindre alors l’espérance selon Bernanos ? Réponse avec l’invitée Monique Gosselin-Noat.

 

 

 

 


Schopenhauer. Pourquoi le bonheur fondé sur le désir est-il impossible ?

« Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus le désir est long et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain.  – Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré ».

Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation (1818)

1. Travail préparatoire à l’etude du texte schopenhauer

2. Exemple d’une explication du texte de Schopenhauer