La conscience de soi suppose-t-elle autrui ?

Etant donné qu’un certain nombre d’heure de cours ont dû être annulés ces derniers temps pour des rencontres concernant l’orientation post-bac, je vous donne sous cette forme, en remplacement, un exemple de réflexion sur le sujet suivant : « La conscience de soi suppose-t-elle autrui ? »

Je vous invite à le travailler. L’exercice que je vous propose est de partir du sujet, de l’analyser pour le comprendre afin de savoir ce dont il est question, de tenter de montrer en quoi cette question pose problème et de construire une problématique et un plan. Ensuite, travailler l’exemple proposé et rédiger en développant le tout ou une partie la dissertation. Vous pouvez en outre laisser en commentaire ci-dessous vos remarques ou vos questions.

Enfin, vous pourrez ranger ce travail dans le cours sur autrui : « les relations intersubjectives ».

Exemple d’introduction :

autre-soi-meme

A première vue, être conscient de soi, c’est éprouver un certain sentiment de son propre être ; en effet, je sais que je suis et je peux chercher à savoir ce que je suis, qui je suis. Dès lors, la question de savoir si la conscience de soi suppose autrui ne semble pas se poser, puisque autrui paraît absent de ce mouvement de la conscience vers elle-même. Cependant, autrui, tout comme moi, est tout autant que moi capable d’être conscient de soi. En effet, je ne suis pas conscient, entre autres choses, qu’il est une conscience de soi, et que cette conscience de soi, en retour, peut aussi me penser ? C’est pourquoi, il apparaît tout à fait légitime de se demander, d’une part, si les « consciences de soi » sont aussi séparées qu’il semblait à première vue et si, d’autre part, la conscience de soi ne suppose pas celle d’autrui pour être ce qu’elle est.

Exemple de cheminement possible :

I. La conscience est-elle solitaire ?

[Le « je » est 1er / autrui apparaît en 2d]

  • Je fais l’expérience de ma seule conscience, l’existence de ma conscience et de ma seule conscience est la seule et unique certitude absolue ; cf. le caractère indubitable de la conscience de soi et le caractère seulement vraisemblable de tout ce qui n’est pas conscience de soi (Descartes)
  • la conscience de soi est séparée des autres ; cf. le solipsisme, thèse selon laquelle la conscience est une monade sans porte ni fenêtre sur le monde extérieur donc d’autrui (remarque Descartes ne s’enferme pas dans ce solipsisme)
  • si une connaissance d’autrui et possible ce n’est que par inférence analogique : c’est parce que je fais l’expérience de l’existence de ma seule conscience que je suppose que l’autre en tant qu’il me ressemble (le corps) est tout comme moi un être conscient et qu’il peut connaître les mêmes faits de conscience que moi. Ce raisonnement par analogie est forcément insuffisant, car il ramène autrui à ce que je suis et ne permet pas de le saisir tel qu’il est c’est-à-dire dans son altérité.
  • D’autre part, si la conscience est ainsi solitaire elle ne peut être une conscience de soi authentique, n’est-ce pas en effet par la médiation d’autrui, que je découvre qui je suis ?

II. La nécessaire reconnaissance de soi par autrui.

[L’autre est 1er et c’est par lui que le « je » se saisit comme conscience de soi]

  • La connaissance de sa propre conscience n’est pas accessible à un travail d’introspection, elle m’est au contraire révélée par autrui ; même Robinson sur son île suppose autrui…
  • D’une part, ce que je suis c’est ce que je suis devenu par la rencontre d’autrui ; je ne serais rien sans les autres ; seul au monde, je ne suis rien ; cf. la genèse de la conscience de soi chez l’enfant ; cf. le rôle primordial de l’éducation…
  • D’autre part, ne suis-je pas comme autrui me voit ? cf. Sartre : « L’autre est indispensable à mon existence aussi bien qu’à la reconnaissance que j’ai de moi » l’Existentialisme est un humanisme ; étude du cas de la honte cf. Sartre L’Etre et le Néant.
  • « Autrui est le médiateur indispensable entre moi-même et moi-même » Sartre, l’Existentialisme est un humanisme.

III. La conscience de soi et autrui suppose la relation.

[Ce qui est 1er c’est l’intersubjectivité]

  • Si la conscience de soi suppose autrui, c’est alors dans la relation que chacun se révèle
  • De quelle nature est cette relation ? Le plus souvent elle est d’ordre conflictuel. C’est dans la rivalité que chacun cherche à être reconnu par l’autre; cf. la compétition à l’école ; la concurrence économique ; la passion amoureuse etc…. cf. la dialectique du maître et de l’esclave de Hegel.
  • Mais dans ce cas, chacun cherche à avoir « le dessus » sur l’autre, par delà la rivalité, on peut penser une relation qui se fonde sur la sympathie ; cf. l’amitié, chez Aristote par exemple ; cf. le courant personnaliste au XXe siècle ; cf. Merleau-Ponty à propos du dialogue véritable qui fait naître entre moi et l’autre un 3ème terme.
  • C’est la relation authentique qui rend possible un « nous » cf. la notion de communauté

Exemple de conclusion :

Dire que la conscience de soi ne suppose pas autrui est une illusion, car elle n’est rien sans les autres. Cette illusion provient du fait que l’introspection suppose l’existence d’une conscience déjà constituée et ainsi cherche en fait à s’isoler en s’enfermant sur elle-même pour se saisir. Or, nous avons vu que la conscience de soi est redevable de la présence d’autrui pour sa constitution. En fait, c’est dans la relation intersubjective que chaque conscience peut se révéler, d’abord dans la rivalité, dans laquelle chacune cherche à être reconnue par les autres, ensuite et plus fondamentalement, dans la sympathie, qui rend possible la réciprocité. En somme, il n’y a de « je » que parce qu’il y a un « tu » ; mais il n’y a de « je » et de « tu » que par un « nous ».