MARX. « Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience. »

Exercice proposé à l’occasion d’un travail en autonomie (sur le principe de la classe inversée) pour le groupe B de TL. Ce groupe est divisé en deux équipes. La troisième équipe devra réaliser une émission de radio philosophique à partir d’un travail sur un extrait de l’Idéologie allemande de Karl Marx et Friedrich Engels.

Equipe 3

Karl MARX (1818-1883) défend une conception matérialiste de la conscience. Les conditions matérielles de l’existence sociale déterminent la conscience individuelle en produisant un ensemble de représentations collectives, que Marx appelle l’idéologie. Cette analyse s’oppose à l’idéalisme du philosophe HEGEL (1770-1831), qui considère la conscience comme une entité autonome qui détermine le monde matériel sans être conditionnée par lui. Dans ce texte, il est montré que le « moi » n’est pas autre chose que le produit des conditions matérielles dans lequel il vit. Il conviendra de bien comprendre cette idée.

Les forces productives constituent l’ensemble des moyens par lesquels une société produit les biens matériels.

Le processus vital désigne les besoins qui doivent être satisfaits par l’homme en société, et les modalités matérielles par lesquelles ils sont satisfaits.

La production des idées, des représentations et de la conscience est d’abord directement et intimement mêlée à l’activité matérielle et au commerce matériel des hommes, elle est le langage de la vie réelle. Si activité et commerce matériels sont « la vie réelle », comment comprendre que la conscience et toutes les pensées en soient « le langage » ?
Les représentations, la pensée, le commerce intellectuel des hommes apparaissent ici encore comme l’émanation[1] directe de leur comportement matériel. (…) Il en va de même de la production intellectuelle telle qu’elle se présente dans la langue de la politique, celle des lois, de la morale, de la religion, de la métaphysique, etc. de tout un peuple. Ce sont les hommes qui sont les producteurs de leurs représentations, de leurs idées, etc., mais les hommes réels agissants, tels qu’ils sont conditionnés par un développement déterminé de leurs forces productives et des rapports qui y correspondent, y compris les formes les plus larges que ceux-ci peuvent prendre. La conscience est-elle une réalité autonome ? Pourquoi les pensées sont-elles conditionnées par les forces productives ?
(…) A l’encontre de[2] la philosophie allemande qui descend du ciel sur la terre, c’est de la terre au ciel que l’on monte ici. Autrement dit, on ne part pas de ce que les hommes disent, s’imaginent, se représentent, ni non plus de ce qu’ils sont dans les paroles, la pensée, l’imagination et la représentation d’autrui, pour aboutir ensuite aux hommes en chair et en os ; non, on part des hommes dans leur activité réelle, c’est à partir de leur processus de vie réel que l’on représente aussi le développement des reflets et des échos idéologiques de ce processus vital. Pourquoi est-il erroné de « descendre du ciel sur la terre », d’expliquer le monde réel à partir de la puissance autonome de la conscience ? Pourquoi la conscience est-elle le reflet du « processus vital » à partir duquel elle émerge ?
Et même les fantasmagories[3] dans le cerveau humain sont des sublimations[4] résultant nécessairement du processus de leur vie matérielle que l’on peut constater empiriquement[5] et qui repose sur des bases matérielles.

De ce fait, la morale, la religion, la métaphysique et tout le reste de l’idéologie, ainsi que les formes de conscience qui leur correspondent, perdent aussitôt toute apparence d’autonomie.

Pourquoi la conscience n’est-elle pas entièrement maîtresse des contenus idéologiques qui la déterminent ?
(…) Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience.

 

Karl MARX et Friedrich ENGELS, L’idéologie Allemande (1846)

Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience dit Marx. Qu’est-ce que cela signifie ?

[1] Emanation : ce qui provient de quelque chose

[2] A l’encontre de : contrairement à

[3] Fantasmagories : productions imaginaires

[4] Sublimation : expression des conditions matérielles de vie dans la représentation

[5] Empiriquement : dans les faits

Contenu de l’exercice inspiré du Manuel « Philosophie » Magnard. www.magnard.fr


TRAVAIL EN AUTONOMIE du Vendredi 23 septembre 2016

Partie individuelle : 1°) Lire le texte en tenant de le comprendre en vous aidant de l’introduction. 2°) A partir de la structure du texte, répondez aux questions posées correspondant à chacune des parties du texte. 3°) Quelles réponses ce texte de Marx permet-il de fournir à la question suivante :

  • Le « moi » est-il une fiction ?

Partie en équipe : 1°) Partagez votre compréhension du texte. Y a-t-il des points de désaccords ? Le partage doit vous permettre de compléter, d’éclaircir, d’approfondir. 2°) Travaillez la mise au point d’un enregistrement d’une émission philosophique portant sur ce texte : Trouver un titre (philosophique ex : l’identité du sujet) ; partagez les rôles : 1 animateur, 1 lecteur et 3 intervenants / surtout ne pas donner l’impression de lire votre papier / Aidez-vous de la trame ci-dessous et rédigez un conducteur.

Titre et présentation Animateur : Bonjour, Vous écoutez PhiloWebRadio. Aujourd’hui, nous évoquerons la question de la réalité du « moi » à travers un extrait de l’Idéologie allemande de Karl MARX et Friedrich ENGELS. [Présentation de la conception matérialiste de la conscience et la réduction de ce qu’est le moi aux conditions matérielles d’existence, s’opposant en cela à la théorie idéaliste de HEGEL]. Pour en parler, nous avons sur le plateau, ….
Lecture de la partie 1 Lecteur :
Question 1 Animateur L’animateur donne la parole à
Réponse à la question 1 Intervenant 1
Lecture de la partie 2 Lecteur
Question 2 Animateur
Réponse à la question 2 Intervenant 2
Lecture de la partie 3 Lecteur
Question 3 Animateur
Réponse à la question 3 Intervenant 3
Lecture de la partie 4 Lecteur
Question 4 Animateur
Réponse à la question 4 Intervenant 1
Lecture de la partie 5 Lecteur
Question 5 (question double) Animateur
Réponse à la question 5 Intervenant 2
Conclusion Animateur « Ce n’est pas la conscience qui détermine la vie, mais la vie qui détermine la conscience » que nous terminons notre émission. Nous vous donnons rendez-vous pour une prochaine émission. Vous étiez sur PhiloWebRadio…

 

TL. S’affranchir de la toute-puissance de Dieu pour affirmer sa liberté ?

Rédaction d’Aurélie E, TL, à partir du cours du jour

La question est pour nous de savoir en quel sens l’homme peut-il être dit sujet. Est-il sujet libre, lui-même auteur de ses pensées et de ses actes, ou bien au contraire, est-il assujetti, contraint par des forces ou des déterminismes qui le dépassent ? Nous avons vu que l’on peut penser l’homme assujetti à la toute-puissance divine. Et si nous avons évoqué cette possibilité, c’est parce que c’est une position que l’on retrouve dans les différentes époques et les différentes cultures. Mais qu’en est-il exactement ? L’homme est-il réellement soumis à cette toute-puissance ? Cette position selon laquelle l’homme y serait assujetti n’a-t-elle pas de sens seulement si l’on n’est pas croyant. ? D’un certain point de vue, ne peut-on pas dire que Dieu assujettit par sa puissance ceux qui y croient ? Ainsi, inversement l’athéisme, en tant que négation de Dieu, n’est-il pas, d’une certaine manière affirmation de la liberté humaine ? Mais celle-ci ne se heurte-t-elle pas au déterminisme de la nature ? Qu’en est-il exactement ?

Etre libre sans Dieu ?

extrait de la couverture du livre de Frédéric Allouche

On peut être athée, on peut ne pas croire en Dieu, on peut le nier. Sartre, par exemple, niait l’existence de Dieu. Selon lui, Dieu est en quelque sorte un verrou qui nous empêche d’être libre. Selon Sartre [1], il vaut mieux nier Dieu que d’accepter l’idée du regard d’un Dieu sans cesse posé sur moi, autrement dit, mieux vaut choisir l’athéisme plutôt que la croyance en un Dieu insupportablement voyeur, croyance qui nie la liberté humaine. En effet, si Dieu est cet être inquisiteur, scrutant sans cesse nos pensées et nos actes, comment peut-on, dans ces conditions, penser la liberté humaine. Dieu, omniscient, omniprésent et omnipotent pèse sur ses sujets. En niant Dieu, on libère l’homme du joug divin, de ce regard sur lui en permanence cesse présent et pressant, de ce poids qui l’entrave. Ainsi, si Dieu n’existe pas ou si nous ne croyons pas en Dieu, l’assujettissement de l’homme à la toute-puissance divine n’a plus de sens. Donc, nier Dieu serait donc ainsi affirmer la liberté de l’homme. D’ailleurs, Dieu ne dépend-il pas en quelque sorte de la liberté humaine d’affirmer ou de nier son existence ? L’existence ou la non-existence de Dieu ne dépend-t-elle pas de la conscience qui l’affirme ou qui l’a nie? Que devient Dieu si l’on décide en conscience de pas y croire ? Ainsi, peut-on dire que l’absence de Dieu correspond à la liberté humaine, e d’autres termes si « Dieu n’existe pas alors tout est permis » [2]. Une remarque cependant ; nier revient-il à faire ce que l’on veut comme on veut quand on veut ? Pour le philosophe existentialiste, l’idée de considérer que Dieu n’existe pas ne doit pas pour autant conduire à affirmer l’irresponsabilité de l’homme, la liberté du faire n’importe quoi. Tout n’est pas permis, seulement il conviendra d’assumer pleinement ses choix et ses actes. Telle est donc l’objection qu’il est possible de poser à l’idée affirmant la tout-puissance transcendante de Dieu sur l’homme. Mais cette objection tient-elle vraiment ? S’affirmer comme sujet libre niant Dieu suffit-il pour s’affranchir de tout asservissement ?

L’athéisme rend-il l’homme libre ?

Déjà, il ne suffit pas de dire que Dieu n’existe pas pour qu’il n’existe pas. Ensuite, cette négation de  Dieu ne rend pas l’homme plus libre. Ce n’est pas en mettant en doute la toute-puissance de Dieu, ou en la niant que l’on affirme pour autant la toute-puissance de l’homme. En effet, on ne devient pas plus fort et on reste cet être fragile, décrit par le philosophe Pascal [3]. On ne devient pas moins sujet aux maladies, au vieillissement, moins mortel etc. Donc, finalement croire ou non en Dieu et à sa toute-puissance importe peu quant à la sujétion de l’homme. Donc, l’athéisme change-t-il vraiment, quelque chose à propos de la condition humaine ? De sa condition d’être misérable ? L’homme n’est-il pas soumis à la nature ? Quand bien même, on pourrait révoquer en doute la toute-puissance divine, pourrait-on en faire de même en ce qui concerne la faiblesse et la petitesse de l’homme, écrasé sous le poids des déterminismes de la nature ?

Le besoin de religion

Georges de La Tour La madeleine à la veilleuse

D’autre part, on constate qu’il n’y a pas de culture sans religion ou sans religiosité. Ainsi, quand bien même on ne croirait pas en Dieu, on ne peut cependant pas ignorer l’existence du fait religieux, son universalité. La société la plus laïque n’est pas exempte de religiosité. La question est de savoir comment expliquer l’universalité du phénomène religieux ? A quoi se raccroche cette religiosité ? Certainement à un besoin ! Et d’où vient ce besoin ? Ce besoin est lié à la condition humaine de l’homme. Confronté à toute sorte de choses qui le dépassent, l’homme est  en attente de réponses, de signesConfronté à la mort, la maladie, la souffrance, la religion lui apporte des réponses, des espoirs, du sens, des repères à une vie souvent dure pour lui. La religion est un appui.

Universalité du phénomène religieux

La religion offre à l’homme, d’une part, des réponses, des espoirs, des espérances, du sens, des repères, et d’autre part, des rites, des pratiques qui rassurent et donnent force à l’individu par la participation à une communauté, une Eglise [4]. Du coup, l’homme s’accroche à tous ces éléments et en devient grandement dépendant. On ne peut donc ignorer le poids du religieux. L’homme est assurément assujetti à la religion qui est omniprésente. Et si ce n’est à la religion institué, c’est dans ses formes les plus insidieuses, la superstition ou les sectes. On pourra peut-être nous objecter le glissement que nous venons d’opérer de Dieu à la religion et de la religion à la superstition et aux dérives sectaires. Ceci étant dit, cela ne change rien à l’assujettissement de l’homme, soit à la toute-puissance de Dieu (si l’on y croit) soit au religieux ou religiosité, on y échappe pas, qu’on le veuille ou non.

La religion comme « opium du peuple »

Quant à la religion, elle permet d’accepter notre condition misérable avec un discours rassurant et apaisant.  Comment, dans ces conditions, ne pas s’y laisser bercer.

Karl Marx – Städtmuseum de Trèves « La religion est l’opium du peuple »

Le philosophe, Marx [5], par exemple, disait que « la religion est comme l’opium » elle endort le peuple, l’esprit tourné vers la religion il ne se rend pas compte des soucis de la société. La religion lui permet de faire accepter comme une chance ce qui est misère, « heureux les pauvres… » mais en attendant, les pauvres demeurent pauvres et exploités et d’autres profitent des richesses d’un partage très inéquitable. Ceci étant dit, évoquons maintenant l’assujettissement de l’homme aux forces et aux déterminismes de la nature.

Dieu ou pas, religion ou pas, l’homme soumis aux déterminismes de la nature

On peut définir le déterminisme par l’expression selon laquelle les mêmes causent produisent les même effets dans les même circonstances. Tout dans la nature est soumis au déterminisme de la nature. Ainsi l’homme, tout comme les autres choses et êtres vivants, subit la loi des choses et des êtres, les lois de la nature. Il ne peut pas ne pas y être soumis. Il n’est pas un « empire dans un empire », il ne fait pas exception. Il est sous le joug de la nécessité. L’homme est fragile, faible il ne peut lutter contre tout ce déterminisme. Il est d’ailleurs le moins armé de tous les animaux. Dans l’Antiquité grecque, les Sophistes [6] pensaient cette idée que l’homme est le plus démuni de tous les animaux.  Au XVIIème siècle, les philosophes empiristes, avec Locke [7] en tête, pensaient que l’homme était « une table rase », « une page blanche vide de tout caractères ». Aujourd’hui, les neurosciences [8] affirment que lorsque enfant naît ces connections nerveuses ne sont pas achevées.

Rédaction d’Aurélie, relu par le professeur

Notes

[1] Sartre disait que « on n’a jamais été aussi libre sous l’occupation » Cette phrase signifie que peut importe les situations que nous vivons  nos somme entièrement libre d’être ce que l’on veut.

[2] Dostoïevski, Les frères Karamasov

[3] Pascal, Les pensées, lire le texte http://cyberphilo.net/2012/10/02/pascal-lhomme-le-plus-faible-de-la-nature/

[4] Ekklesia en grec signifie « communauté » et a donné « Eglise » en français

[5] Marx

[6] Le mythe d’Epiméthée et de Prométhée, dans le Protagoras de Platon : lire le texte http://cyberphilo.net/2012/10/02/letourderie-depimethee/

[7] Locke, Essai philosophique sur l’entendement humain : lire le texte http://cyberphilo.net/2012/10/02/locke-au-commencement-notre-ame-comme-une-table-rase/

[8] Les neurosciences attestent l’inachevement du cerveau du nouveau-né : lire l’article http://cyberphilo.net/2012/10/02/le-bebe-vient-au-monde-avec-un-cerveau-inacheve/