Pascal. « Qu’est-ce que le moi ? »

Exercice proposé à l’occasion d’un travail en autonomie (sur le principe de la classe inversée) pour le groupe B de TL. Ce groupe est divisé en deux équipes. La quatrième équipe devra réaliser une émission de radio philosophique à partir d’un travail sur un extrait des Pensées de Pascal.

Equipe 4

Assurément, l’une des formules les plus connues de Socrate était le fameux « connais-toi toi-même ». Mais qu’est-ce donc que le « moi » ? Par ce précepte Socrate faisait de la réflexion du moi sur lui-même le socle originel de toute méditation philosophique. Cette dernière étant avant tout réflexion sur l’être dans son universalité, le

« Moi » qu’il faut connaître ne peut être seulement le moi particulier. Le moi particulier est siège de tous mes penchants, passions et autres affections individuelles, ce moi-là est fugace, changeant, variable et par conséquent je ne puis en tirer qu’une connaissance provisoire, incertaine et possédant tous les défauts de la connaissance purement subjective. Il faudrait faire abstraction de toutes les attributions du « Moi ». Mais qu’est le « Moi » indépendamment de toutes ses affections particulières ? Que reste-t-il du « Moi » lorsque j’en ai ôté toutes les qualités accidentelles dont je puis être porteur ?

Telle est la question que PASCAL pose dans ses Pensées, à la recherche de ce qui en chacun de nous dépasse les particularités individuelles et constitue la substance même de notre être. La question est question capitale, puisque la possibilité même de la poser nous met en présence de cette capacité que possède le moi de dépasser ses particularités par la pensée en en faisant abstraction.

Substance / Accident : La substance est ce qui demeure permanent au sein d’un être. Les accidents sont les propriétés qui n’affectent pas la substance de cet être. Pascal soutient qu’aucune propriété ne permet à elle seule de définir le « Moi » : le corps et l’âme de la personne ne cessent de changer, tout comme ses qualités, mais la personne demeure la même.

Qu’est-ce que le moi ?

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non ; car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.

 

Pourquoi le moi ne se réduit-il pas à mon apparence physique extérieure, telle qu’elle est perçue par autrui, voire aimée par lui ?

Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non ; car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce moi, s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? Et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités qui ne sont point ce qui fait le moi, puisqu’elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités.

Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées. »

Pourquoi ni le jugement ni la mémoire, ni l’âme ni le corps, ne suffisent-ils à définir le moi ? Comment expliquer « on n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités » ?
Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées.

 

Blaise PASCAL, Les Pensées, 323 (1669)

Qu’en résulte-t-il en ce qui concerne les rôles sociaux que nous jouons ? Pourquoi Pascal parle-t-il désormais de « qualités empruntées ?

Contenu de l’exercice inspiré du Manuel « Philosophie » Magnard. www.magnard.fr


TRAVAIL EN AUTONOMIE du Vendredi 23 septembre 2016

Partie individuelle : 1°) Lire le texte en tenant de le comprendre en vous aidant de l’introduction. 2°) A partir de la structure du texte, répondez aux questions posées correspondant à chacune des parties du texte. 3°) Quelles réponses ce texte de Pascal permet-il de fournir à la question suivante :

  • Le « moi » est-il une fiction ?

Partie en équipe : 1°) Partagez votre compréhension du texte. Y a-t-il des points de désaccords ? Le partage doit vous permettre de compléter, d’éclaircir, d’approfondir. 2°) Travaillez la mise au point d’un enregistrement d’une émission philosophique portant sur ce texte : Trouver un titre (philosophique ex : l’identité du sujet) ; partagez les rôles : 1 animateur, 1 lecteur et 4 intervenants / surtout ne pas donner l’impression de lire votre papier / Aidez-vous de la trame ci-dessous et rédigez un conducteur.

Titre et présentation Animateur : Bonjour, Vous écoutez PhiloWebRadio. Aujourd’hui, nous évoquerons la question de la réalité du « moi » à travers une célèbre Pensée de Pascal : « Qu’est-ce que le moi ? » Pour en parler, nous avons sur le plateau, ….
Lecture de la partie 1 Lecteur :
Question 1 Animateur L’animateur donne la parole à
Réponse à la question 1 Intervenant 1
Lecture de la partie 2 Lecteur
Question 2 Animateur
Réponse à la question 2 Intervenant 2
Lecture de la partie 3 Lecteur
Question 3 Animateur
Réponse à la question 3 Intervenant 3
Question 4 Animateur Pourquoi Pascal a-t-il choisi l’exemple de l’amour pour montrer que l’identité constituait un problème philosophique ?
Réponse à la question 4 Intervenant 4
Conclusion Animateur « On n’aime personne que pour des qualités empruntées, nous dit Pascal» c’est par cette parole quelque peu pessimiste que nous quittons. Nous vous donnons rendez-vous pour une prochaine émission. Vous étiez sur PhiloWebRadio. A bientôt !

 

Alain. Socrate comme modèle de la modestie du sage

Alain
Alain 1858 -1951

« Ce qui est subjectif, c’est ce qui est isolé dans le sujet pensant, dans le Moi, et à quoi les semblables ne font pas écho. Nous passons notre temps à établir la communication entre nous et les autres, ce qui est saisir l’objectif. On voit que, dans un sens purifié, l’objectif désigne ce qui est commun à tous les sujets. L’objectif n’est donc pas nécessairement un objet du monde. Le plus objectif en nos connaissances, est cet esprit, commun qui s’est présenté si naturellement comme le soutien de nos pensées. Les logarithmes, déjà nommés, sont un exemple de pensées objectives, et non pas subjectives, quoi, qu’elles n’existent pas hors des sujets pensants. Souvent on ramène l’opposition entre le subjectif et l’objectif à la connaissance des choses. L’objectif est alors la chose que tout observateur rencontre la même ; c’est la science communicable et aussi la démontrable ; exemple, le calcul. Ce qui fait que nous manquons l’objectif, c’est que nous sommes trop attachés à nos sensations, à notre point de vue. Le point de vue appartient à toutes nos connaissances, et il est clair que chacun de nous à chaque moment, observe d’un poste qui n’est qu’à lui. De plus il y a en nous des affections vives ou passions, qui nous donnent besoin de savoir et d’instruire les autres, et qui font que nous oublions le point de vue et la sensation, c’est-à-dire toutes les réserves qu’il est sage de faire lorsque l’on affirme quelque chose. Chacun se vante d’être objectif, de parler objectivement. Mais aucun philosophe (ami de la sagesse) ne doit se croire lui-même sans réserve, et les conversations de Socrate, que Platon nous a conservées, nous donnent le modèle de la modestie du sage, qui se sait sujet à l’erreur et à la prévention. »

Alain, Eléments de philosophie

 

TS. La philosophie en rupture avec la manière ordinaire de penser

Rédaction de Malika, TS, à partir du cours du 6 septembre 2012

Par quoi commencer ?

Lorsque l’on n’a jamais fait de philosophie, il apparaît légitime de demander une définition du mot « philosophie ». Or, on convient pourtant que pour les autres matières, les mathématiques par exemple, jamais on ne réclame ni n’en donne une définition. Pourquoi donc la philosophie devrait faire exception ? Lui appartient-il de se définir elle-même ? Et pour un élève qui commence la philosophie, par quoi doit-il commencer ?

Un mathématicien qui définirait les mathématiques  ferait-il encore des mathématiques ? Dire que par exemple que les mathématiques traitent des nombres, des figures et des grandeurs, qu’il est question d’opérations partant d’axiomes, que la vérité à laquelle elles parviennent est de type formel et non de type expérimental, etc. ce n’est assurément plus faire des mathématiques, mais c’est philosopher sur les mathématiques. Et il en va ainsi pour toutes autres disciplines, la physique, l’histoire… La discipline qui tente de définir les sciences, leurs objets et leur méthode, s’appelle l’épistémologie, branche importante de la philosophie.

Importance de la conceptualisation en philosophie

Déjà, nous venons de remarquer que définir apparaît une activité importante de la démarche philosophique. Il est important pour elle en effet de savoir ce que l’on dit. Nous parlerons de conceptualisation. Et tenter de définir la philosophie elle-même, c’est toujours faire de la philosophie. Il appartient donc à la philosophie de se définir. Concevoir la philosophie d’une manière ou d’une autre c’est opter pour une manière de philosopher. On remarquera au passage qu’en classe de terminale, la notion même de philosophie n’est pas au programme de philosophie.

C’est pourquoi, en ce qui nous concerne, il ne sera pas question de proposer, en ce début d’année scolaire, une définition définitive et achevée de la philosophie, l’important étant plutôt de se lancer dans la réflexion philosophique et il sera temps au bout de notre année de faire le point sur notre expérience. Proposons-nous seulement de partir des représentations que nous avons de la philosophie.

La rationalité pour fondement

Philosopher c’est une manière particulière de réfléchir. Mais qu’est-ce qui fait sa particularité ? Le fondement de la réflexion philosophique est la rationalité, autrement dit, la réflexion doit être impérativement logique. En cela, elle est une manière de penser en rupture avec la manière ordinaire de penser, c’est-à-dire la manière spontanée de penser, cette dernière se basant généralement davantage sur les émotions et les sentiments. Une idée n’est pas vraie parce qu’on l’aime bien ou parce qu’elle nous plaît, mais parce qu’elle découle d’une réflexion logique et rationnelle. La sphère de la rationalité et celle de l’affectivité s’opposent, la philosophie appartenant à la première alors que l’opinion à la seconde.

En outre, remarquons que lorsque nous sommes submergés par nos émotions nous devenons particulièrement imperméables aux arguments de la raison. Il apparaît peu probable que l’individu sur le point de se suicider, submergé par ses sentiments de désespoir, philosophe sur l’existence et le sens de la vie. De même, tout raisonnement philosophique glisse et reste sans effet chez le raciste pétri par la haine et la peur de l’autre différent, quand bien même la moindre réflexion fait aisément imploser le racisme. L’opinion s’enracine notamment dans l’éducation et cela explique notamment la difficulté de s’en débarrasser ou d’accepter les objections qui peuvent lui être adressée, quand bien même celles-ci auraient pour elles le poids des arguments de la raison. Irrationnelle, la pensée raciste procède le plus souvent par généralisation abusive et par amalgame : l’exemple d’un étranger voleur lui suffit pour dire qu’ils le sont tous ; ou qu’un arabe est l’équivalent d’un musulman, donc d’un intégriste, donc encore d’un terroriste.

La philosophie comme critique de l’opinion

Non seulement la philosophie apparaît en rupture avec la manière ordinaire de penser, celle de l’opinion mais encore elle se pose à son égard comme une critique. L’opinion, lieu des banalités, des faux-semblants, des rumeurs, des préjugés, est peu exigeante en matière de vérité et pourtant s’érige de manière entêtée comme vérité incontestable. Le philosophe Gaston Bachelard  dira que « l’opinion pense mal, elle ne pense pas, elle a en droit toujours tort ». La philosophie se place ainsi au niveau de la raison commune à la science et se constitue comme la critique de l’opinion.

Généralement, on a tendance à poser d’abord la conclusion et ne chercher qu’ensuite ce qui peut sembler la confirmer. Telle est l’attitude du jaloux par exemple, qui, aveuglé par sa passion, persuadé qu’il est trompé, va chercher le moindre signe qu’il érigera en indice, en preuve. Les arguments appelés comme soutiens à l’opinion sont bien souvent des justifications a posteriori. Quant à l’attitude du philosophe, elle est inverse, et en cela il apparaît bien plus sage et logique. Sa conclusion sera toujours une position à partir d’un raisonnement, d’une réflexion.

Le philosophe va donc critiquer l’opinion qui est toujours fermée et toujours questionner et apprendre davantage, grâce à sa curiosité par laquelle il s’ouvre au monde et aux choses. On n’a l’exemple de Socrate, appelé le plus sage des Hommes, qui nous apprend qu’il est préférable de prendre conscience de son ignorance plutôt que de prétendre savoir alors que l’on ne sait pas et ainsi se mettre en quête de savoir. Il est préférable de chercher à savoir la vérité que d’adhérer à une opinion et s’entêter.

Texte rédigé par Malika, TS et relu par le professeur