Sujet 1
L’art peut-il être indifférent au beau ?
Sujet 2
Les hommes vivent-ils en société par intérêt ?
Sujet 3
« L’obligation n’est pas la nécessité. Quand j’abandonne une pierre à elle-même, elle tombe et ne peut pas faire autrement, et quand j’énonce cette loi générale, les corps sont attirés vers le centre de la terre, j’énonce une loi nécessaire en ce sens que les faits qu’elle embrasse ne sauraient en aucune manière s’y soustraire et cela tient à une raison fort simple. Les lois de la physique qui sont nécessaires ne sont guère que la constatation de ce qui se passe. Le physicien observe, expérimente et exprime par une formule générale le résultat de ses observations. Il est donc impossible que les faits se dérobent à la loi puisque la loi exprime les faits. Si un jour un phénomène ou un objet échappait à son influence, cela prouverait qu’elle est fausse, qu’elle n’est pas la vraie. Il faudrait en chercher une autre à laquelle obéissaient même les phénomènes nécessaires. Une loi nécessaire est donc une loi postérieure aux événements qu’elle régit. Elle en est l’expression, la formule et les événements ne peuvent s’y soustraire par la raison très simple qu’elle se borne à les traduire. Il n’en est pas ainsi pour la loi morale. Les lois de la morale sont antérieures aux événements qu’elles prétendent régir et c’est par là qu’elles se distinguent des lois physiques. Cette loi, il ne faut pas voler, n’est pas l’expression abrégée, l’expression générale de ce qui se passe. Il y a des vols et des voleurs ; elle n’indique pas ce qui est mais ce qui devrait être. Ce n’est point un abrégé de la réalité, c’est un idéal qui précède la réalité et auquel la réalité devrait se conformer. De là vient qu’à l’opposé des lois physiques, ces lois de la morale admettent des exceptions. On peut se soustraire à leur influence ; on ne le devrait pas, mais on le pourrait. Et c’est en quoi l’obligation se distingue de la nécessité. »
Henri BERGSON, Leçons de Clermont-Ferrand, 1883