Pascal. L’homme le plus faible de la nature

Blaise Pascal 1623 – 1662

L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser : une vapeur, une goutte d’eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt, et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il faut nous relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. Ce n’est point de l’espace que je dois chercher ma dignité, mais c’est du règlement de ma pensée. Je n’aurai pas davantage en possédant des terres : par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point; par la pensée, je le comprends.

Blaise Pascal, Pensées

Le bébé vient au monde avec un cerveau inachevé

Le cerveau est un organe complexe.

Neurones – 2004
Crayon et encre sur papier 40 cm diamètre
Béatrice Réfievna
Sa longue évolution qui a débuté avec les pré-humains, a vu les capacités cérébrales progresser, jusqu’à faire de l’homme le seul être du règne animal capable de penser le monde et de le décrypter, d’inventer œuvres, techniques et langages, d’éprouver des émotions et de les dire, de communiquer dans le domaine de l’abstrait.
Au cours de cette évolution, le volume du cerveau humain a doublé de volume, jusqu’à peser aujourd’hui 1 400 g à 1 500 g, pour un homme adulte. Et déployée sur une surface plane, l’étendue de son cortex, siège de l’intelligence, du mouvement volontaire, de la conscience et de la sensibilité, couvrirait près de 2 m2.
Le petit homme naît avec un cerveau inachevé, qui lui permet de s’engager dans l’étroit bassin de sa mère pour venir au monde, et ne possède que la moitié des connexions synaptiques d’un cerveau adulte. Son cerveau se formera petit à petit, selon un rythme biologiquement programmé, mais aussi en interaction avec son environnement, grâce aux sollicitations extérieures.
Le cerveau biologiquement déterminé est un organe médiateur qui permet de percevoir le monde et qui se transforme au contact du monde, un organe social au-delà de tout déterminisme simpliste.
D’après La Société des Neurosciences, la Société Française de Neurologie et la Fédération pour la Recherche sur le Cerveau qui se sont unies pour organiser le colloque « Priorité Cerveau », le 16 septembre 2010.
« (…) Le petit humain vient au monde avec un cerceau largement inachevé : il possède un bon stock de neurones – 100 milliards ! – mais peu de voies nerveuses pour les faire se connecter entre eux. On estime que seulement 10% de ces connexions, appelées synapses, sont présentes à la naissance. Les 90% restant vont se mettre en place progressivement jusqu’à l’âge de 18-20 ans. (…) À l’âge adulte, on se retrouve avec un million de milliards de synapses qui relient nos 100 milliards de neurones. En moyenne, chaque neurone est en communication avec 10 000 autres ! Or, face à ces chiffres astronomiques, seulement 6 000 gènes interviennent dans la construction du cerveau. Cela signifie que les gènes ne peuvent pas à eux seuls contrôler la formation des milliards de synapses du cerveau. (…) »
Magazine, Cerveau, sexe et pouvoir, page 31.

Locke. Au commencement, notre âme comme une table rase

John Locke 1632-1704

Supposons donc qu’au commencement l’âme est ce qu’on appelle une table rase, vide de tous caractères, sans aucune idée, quelle qu’elle soit. Comment vient-elle à recevoir des idées ? Par quel moyen en acquiert-elle cette prodigieuse quantité que l’imagination de l’homme, toujours agissante et sans bornes, lui présente avec une variété presque infinie ? D’où puise-t-elle tous ces matériaux qui sont comme le fond de tous ses raisonnements et de toutes ses connaissances ? A cela je réponds en un mot, de l’expérience : c’est là le fondement de toutes nos connaissances, et c’est de là qu’elles tirent leur première origine. Les observations que nous faisons sur les objets extérieurs et sensibles, ou sur les opérations intérieures de notre âme, que nous apercevons et sur lesquelles nous réfléchissons nous-mêmes, fournissent à notre esprit les matériaux de toutes ses pensées. Ce sont là les deux sources d’où découlent toutes les idées que nous avons, ou que nous pouvons avoir naturellement.

John Locke, Essai philosophique concernant l’entendement humain, Livre II, Chap. I, § 2

TL. S’affranchir de la toute-puissance de Dieu pour affirmer sa liberté ?

Rédaction d’Aurélie E, TL, à partir du cours du jour

La question est pour nous de savoir en quel sens l’homme peut-il être dit sujet. Est-il sujet libre, lui-même auteur de ses pensées et de ses actes, ou bien au contraire, est-il assujetti, contraint par des forces ou des déterminismes qui le dépassent ? Nous avons vu que l’on peut penser l’homme assujetti à la toute-puissance divine. Et si nous avons évoqué cette possibilité, c’est parce que c’est une position que l’on retrouve dans les différentes époques et les différentes cultures. Mais qu’en est-il exactement ? L’homme est-il réellement soumis à cette toute-puissance ? Cette position selon laquelle l’homme y serait assujetti n’a-t-elle pas de sens seulement si l’on n’est pas croyant. ? D’un certain point de vue, ne peut-on pas dire que Dieu assujettit par sa puissance ceux qui y croient ? Ainsi, inversement l’athéisme, en tant que négation de Dieu, n’est-il pas, d’une certaine manière affirmation de la liberté humaine ? Mais celle-ci ne se heurte-t-elle pas au déterminisme de la nature ? Qu’en est-il exactement ?

Etre libre sans Dieu ?

extrait de la couverture du livre de Frédéric Allouche

On peut être athée, on peut ne pas croire en Dieu, on peut le nier. Sartre, par exemple, niait l’existence de Dieu. Selon lui, Dieu est en quelque sorte un verrou qui nous empêche d’être libre. Selon Sartre [1], il vaut mieux nier Dieu que d’accepter l’idée du regard d’un Dieu sans cesse posé sur moi, autrement dit, mieux vaut choisir l’athéisme plutôt que la croyance en un Dieu insupportablement voyeur, croyance qui nie la liberté humaine. En effet, si Dieu est cet être inquisiteur, scrutant sans cesse nos pensées et nos actes, comment peut-on, dans ces conditions, penser la liberté humaine. Dieu, omniscient, omniprésent et omnipotent pèse sur ses sujets. En niant Dieu, on libère l’homme du joug divin, de ce regard sur lui en permanence cesse présent et pressant, de ce poids qui l’entrave. Ainsi, si Dieu n’existe pas ou si nous ne croyons pas en Dieu, l’assujettissement de l’homme à la toute-puissance divine n’a plus de sens. Donc, nier Dieu serait donc ainsi affirmer la liberté de l’homme. D’ailleurs, Dieu ne dépend-il pas en quelque sorte de la liberté humaine d’affirmer ou de nier son existence ? L’existence ou la non-existence de Dieu ne dépend-t-elle pas de la conscience qui l’affirme ou qui l’a nie? Que devient Dieu si l’on décide en conscience de pas y croire ? Ainsi, peut-on dire que l’absence de Dieu correspond à la liberté humaine, e d’autres termes si « Dieu n’existe pas alors tout est permis » [2]. Une remarque cependant ; nier revient-il à faire ce que l’on veut comme on veut quand on veut ? Pour le philosophe existentialiste, l’idée de considérer que Dieu n’existe pas ne doit pas pour autant conduire à affirmer l’irresponsabilité de l’homme, la liberté du faire n’importe quoi. Tout n’est pas permis, seulement il conviendra d’assumer pleinement ses choix et ses actes. Telle est donc l’objection qu’il est possible de poser à l’idée affirmant la tout-puissance transcendante de Dieu sur l’homme. Mais cette objection tient-elle vraiment ? S’affirmer comme sujet libre niant Dieu suffit-il pour s’affranchir de tout asservissement ?

L’athéisme rend-il l’homme libre ?

Déjà, il ne suffit pas de dire que Dieu n’existe pas pour qu’il n’existe pas. Ensuite, cette négation de  Dieu ne rend pas l’homme plus libre. Ce n’est pas en mettant en doute la toute-puissance de Dieu, ou en la niant que l’on affirme pour autant la toute-puissance de l’homme. En effet, on ne devient pas plus fort et on reste cet être fragile, décrit par le philosophe Pascal [3]. On ne devient pas moins sujet aux maladies, au vieillissement, moins mortel etc. Donc, finalement croire ou non en Dieu et à sa toute-puissance importe peu quant à la sujétion de l’homme. Donc, l’athéisme change-t-il vraiment, quelque chose à propos de la condition humaine ? De sa condition d’être misérable ? L’homme n’est-il pas soumis à la nature ? Quand bien même, on pourrait révoquer en doute la toute-puissance divine, pourrait-on en faire de même en ce qui concerne la faiblesse et la petitesse de l’homme, écrasé sous le poids des déterminismes de la nature ?

Le besoin de religion

Georges de La Tour La madeleine à la veilleuse

D’autre part, on constate qu’il n’y a pas de culture sans religion ou sans religiosité. Ainsi, quand bien même on ne croirait pas en Dieu, on ne peut cependant pas ignorer l’existence du fait religieux, son universalité. La société la plus laïque n’est pas exempte de religiosité. La question est de savoir comment expliquer l’universalité du phénomène religieux ? A quoi se raccroche cette religiosité ? Certainement à un besoin ! Et d’où vient ce besoin ? Ce besoin est lié à la condition humaine de l’homme. Confronté à toute sorte de choses qui le dépassent, l’homme est  en attente de réponses, de signesConfronté à la mort, la maladie, la souffrance, la religion lui apporte des réponses, des espoirs, du sens, des repères à une vie souvent dure pour lui. La religion est un appui.

Universalité du phénomène religieux

La religion offre à l’homme, d’une part, des réponses, des espoirs, des espérances, du sens, des repères, et d’autre part, des rites, des pratiques qui rassurent et donnent force à l’individu par la participation à une communauté, une Eglise [4]. Du coup, l’homme s’accroche à tous ces éléments et en devient grandement dépendant. On ne peut donc ignorer le poids du religieux. L’homme est assurément assujetti à la religion qui est omniprésente. Et si ce n’est à la religion institué, c’est dans ses formes les plus insidieuses, la superstition ou les sectes. On pourra peut-être nous objecter le glissement que nous venons d’opérer de Dieu à la religion et de la religion à la superstition et aux dérives sectaires. Ceci étant dit, cela ne change rien à l’assujettissement de l’homme, soit à la toute-puissance de Dieu (si l’on y croit) soit au religieux ou religiosité, on y échappe pas, qu’on le veuille ou non.

La religion comme « opium du peuple »

Quant à la religion, elle permet d’accepter notre condition misérable avec un discours rassurant et apaisant.  Comment, dans ces conditions, ne pas s’y laisser bercer.

Karl Marx – Städtmuseum de Trèves « La religion est l’opium du peuple »

Le philosophe, Marx [5], par exemple, disait que « la religion est comme l’opium » elle endort le peuple, l’esprit tourné vers la religion il ne se rend pas compte des soucis de la société. La religion lui permet de faire accepter comme une chance ce qui est misère, « heureux les pauvres… » mais en attendant, les pauvres demeurent pauvres et exploités et d’autres profitent des richesses d’un partage très inéquitable. Ceci étant dit, évoquons maintenant l’assujettissement de l’homme aux forces et aux déterminismes de la nature.

Dieu ou pas, religion ou pas, l’homme soumis aux déterminismes de la nature

On peut définir le déterminisme par l’expression selon laquelle les mêmes causent produisent les même effets dans les même circonstances. Tout dans la nature est soumis au déterminisme de la nature. Ainsi l’homme, tout comme les autres choses et êtres vivants, subit la loi des choses et des êtres, les lois de la nature. Il ne peut pas ne pas y être soumis. Il n’est pas un « empire dans un empire », il ne fait pas exception. Il est sous le joug de la nécessité. L’homme est fragile, faible il ne peut lutter contre tout ce déterminisme. Il est d’ailleurs le moins armé de tous les animaux. Dans l’Antiquité grecque, les Sophistes [6] pensaient cette idée que l’homme est le plus démuni de tous les animaux.  Au XVIIème siècle, les philosophes empiristes, avec Locke [7] en tête, pensaient que l’homme était « une table rase », « une page blanche vide de tout caractères ». Aujourd’hui, les neurosciences [8] affirment que lorsque enfant naît ces connections nerveuses ne sont pas achevées.

Rédaction d’Aurélie, relu par le professeur

Notes

[1] Sartre disait que « on n’a jamais été aussi libre sous l’occupation » Cette phrase signifie que peut importe les situations que nous vivons  nos somme entièrement libre d’être ce que l’on veut.

[2] Dostoïevski, Les frères Karamasov

[3] Pascal, Les pensées, lire le texte http://cyberphilo.net/2012/10/02/pascal-lhomme-le-plus-faible-de-la-nature/

[4] Ekklesia en grec signifie « communauté » et a donné « Eglise » en français

[5] Marx

[6] Le mythe d’Epiméthée et de Prométhée, dans le Protagoras de Platon : lire le texte http://cyberphilo.net/2012/10/02/letourderie-depimethee/

[7] Locke, Essai philosophique sur l’entendement humain : lire le texte http://cyberphilo.net/2012/10/02/locke-au-commencement-notre-ame-comme-une-table-rase/

[8] Les neurosciences attestent l’inachevement du cerveau du nouveau-né : lire l’article http://cyberphilo.net/2012/10/02/le-bebe-vient-au-monde-avec-un-cerveau-inacheve/

L’étourderie d’Epiméthée

L’homme est le plus démuni de tous les animaux. C’est ce que pensaient les sophistes et c’est ce que semble suggérer le mythe d’Epiméthée, dont nous en trouvons l’expression dans le Protagoras de Platon.

Atlas de la mythologie, « Épiméthée », Éditions Atlas, UE, 2003

« Il fut jadis un temps où les dieux existaient, mais non les espèces mortelles. Quand le temps que le destin avait assigné à leur création fut venu, les dieux les façonnèrent dans les entrailles de la terre d’un mélange de terre et de feu et des éléments qui s’allient au feu et à la terre.

Quand le moment de les amener à la lumière approcha, ils chargèrent Prométhée et Epiméthée de les pourvoir et d’attribuer à chacun des qualités appropriées. Mais Epiméthée demanda à Prométhée de lui laisser faire seul le partage. « Quand je l’aurai fini, dit-il, tu viendras l’examiner ». Sa demande accordée il fit le partage, et, en le faisant, il attribua aux uns la force sans la vitesse, aux autres la vitesse sans la force ; il donna des armes à ceux-ci, les refusa à ceux-là, mais il imagina pour eux d’autres moyens de conservation ; car à ceux d’entre eux qu’il logeait dans un corps de petite taille, il donna des ailes pour fuir ou un refuge souterrain ; pour ceux qui avaient l’avantage d’une grande taille, leur grandeur suffit à les conserver, et il appliqua ce procédé de compensation à tous les animaux. Ces mesures de précaution étaient destinées à prévenir la disparition des races. Mais quand il leur eut fourni les moyens d’échapper à une destruction mutuelle, il voulut les aider à supporter les saisons de Zeus ; il imagina pour cela de les revêtir de poils épais et de peaux serrées, suffisantes pour les garantir du froid, capables aussi de les protéger contre la chaleur et destinées enfin à servir, pour le temps du sommeil, de couvertures naturelles, propres à chacun d’eux ; il leur donna en outre comme chaussures, soit des sabots de cornes, soit des peaux calleuses et dépourvues de sang, ensuite il leur fournit des aliments variés suivant les espèces, aux uns l’herbe du sol, aux autres les fruits des arbres, aux autres des racines ; à quelques-uns mêmes il donna d’autres animaux à manger ; mais il limita leur fécondité et multiplia celle de leur victime pour assurer le salut de la race.

Cependant Epiméthée, qui n’était pas très réfléchi avait sans y prendre garde dépensé pour les animaux toutes les facultés dont il disposait et il lui restait la race humaine à pourvoir, et il ne savait que faire. »

Platon, Protagoras, traduction Chambry

TSTI2d. Qu’est-ce qui caractérise l’homme ? Comment le définir ?

Maurice Merleau-Ponty 1906-1961

« Il n’est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dans la colère ou d’embrasser dans l’amour que d’appeler table une table. Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. Même ceux qui, comme la paternité, paraissent inscrits dans le corps humain, sont en réalité des institutions[1].

Il est impossible de superposer chez l’homme une première couche de comportements que l’on appellerait “naturels” et un monde culturel ou spirituel fabriqué. Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme, comme on voudra dire, en ce sens qu’il n’est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose à l’être simplement biologique, et qui en même temps ne se dérobe à la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens les conduites vitales, par une sorte d’échappement et par un génie de l’équivoque[2] qui pourraient servir à définir l’homme. »

Maurice Merleau-Ponty, Phénoménologie de la Perception, 1945.

Questions de compréhension

1)      Expliquez les sens des termes « naturels » et « conventionnel ».

2)      Expliquez l’affirmation suivante : « Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventés comme les mots. » A quelle conception répandue s’oppose ici Merleau-Ponty » ?

3)      Expliquez l’affirmation : « Tout est fabriqué et tout est naturel chez l’homme ». Comment ces deux aspects peuvent-ils être indissociables dans toute personne ? Vous proposerez deux exemples précis pour illustrer votre réponse.

4)      En quoi consistent ce « détournement » et cet « échappement » qui pourrait définir l’homme ?

5)      Dégagez, en deux ou trois lignes, l’idée principale de ce texte

Questions de réflexion

6)      Pour quelle raison « la paternité » est-elle une « institution » ? Donnez d’autres exemples de processus naturels qui sont également organisés selon des « conventions ».

7)      Quel est ce « monde culturel » évoqué par l’auteur ? De quoi est-il constitué ? Comment est-il transmis de génération en génération ?


[1] Règles sociales et organisation des rapports humains établies par des hommes.

[2] Ce qui possède plusieurs significations ; ici, le « génie » de l’homme consiste à donner un sens à des éléments biologiques.

TES. Le bonheur dépend-il de nous ?

Premier sujet de dissertation pour les TES

Le bonheur dépend-il de nous ?

Devoir à rendre pour le 12 octobre 2012

D’ici là un travail progressif et régulier s’impose…

D’ici là, un travail régulier et progressif s’impose.

Première étape : pour jeudi 3 octobre 2012, tenter de comprendre le sujet et à partir de ce que vous pensez avoir compris, écrire tout ce qui vous vient à l’esprit, sans autocensure, il sera temps ultérieurement d’opérer un tri, des choix et d’organiser une pensée cohérente.

Il est possible, dors et déjà, de noter le fruits de vos réflexions ci-dessous.

TL. Peut-on en finir avec les préjugés ? 2ème étape

Suite du travail préparatoire sur le sujet de dissertation « Peut-on en finir avec les préjugés ? »

Deuxième étape : Pour le mardi 2 octobre, poursuivre l’étude à partir de la base (éléments d’analyse du sujet) qui a été vue en classe. Il sera possible pour donner du contenu au développement de la dissertation de travailler les références ci-dessous. Ceci dit, l’utilisation de ces références n’est nullement une nécessité. Il s’agit simplement d’une possibilité.

Texte 1

Platon, La république, Livre VII

Voir le recueil de texte : l’Allégorie de la Caverne

Texte 2

« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n’ont point coutume d’en désirer plus qu’ils en ont. En quoi il n’est pas vraisemblable que tous se trompent ; mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes ; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n’est pas assez d’avoir l’esprit bon, mais le principal est de l’appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus ; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup d’avantage, s’ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s’en éloignent. »

Descartes, Discours de la méthode, 1637

Texte 3

« Qu’est-ce que les Lumières ? La sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable. Minorité, c’est-à-dire incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui, minorité dont il est lui-même responsable (faute) puisque la cause en réside non dans un défaut de l’entendement mais dans un manque de décision et de courage de s’en servir sans la direction d’autrui. Sapere aude ! (Ose penser) Aie le courage de te servir de ton propre entendement. Voilà la devise des Lumières.

La paresse et la lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes, après que la nature les a affranchis depuis longtemps d’une direction étrangère, restent cependant volontiers leur vie durant, mineurs, et qu’il soit si facile à d’autres de se poser en tuteurs des premiers. Il est si aisé d’être mineur ! Si j’ai un livre qui me tient lieu d’entendement, un directeur qui me tient lieu de conscience, un médecin qui décide pour moi de mon régime, etc., je n’ai vraiment pas besoin de me donner de peine moi-même. Je n’ai pas besoin de penser, pourvu que je puisse payer ; d’autres se chargeront bien de ce travail ennuyeux. Que la grande majorité des hommes tienne aussi pour très dangereux ce pas en avant vers leur majorité, outre que c’est une chose pénible, c’est ce à quoi s’emploient fort bien les tuteurs qui, très aimablement, ont pris sur eux d’exercer une haute direction de l’humanité. Après avoir rendu bien sot leur bétail, et avoir soigneusement pris garde que ces paisibles créatures n’aient pas la permission d’oser faire le moindre pas hors du parc où ils les ont enfermées, ils leur montrent le danger qui les menace, si elles essaient de s’aventurer seules au dehors. Or ce danger n’est vraiment pas si grand ; car, elles apprendraient bien enfin, après quelques chutes, à marcher ; mais un accident de cette sorte rend néanmoins timide, et la frayeur qui en résulte détourne ordinairement d’en refaire l’essai. Il est donc difficile pour chaque individu de sortir de la minorité, qui est presque devenue pour lui nature. »

Kant, Qu’est-ce que les Lumières

Texte 4

« Préjugé. Ce qui est jugé d’avance, c’est-à-dire avant qu’on se soit instruit. Le préjugé fait qu’on s’instruit mal. Le préjugé peut venir des passions ; la haine anime à préjuger mal ; il peut venir de l’orgueil, qui conseille de ne point changer d’avis ; ou bien de la coutume qui ramène toujours aux anciennes formules ; ou bien de la paresse, qui n’aime point chercher ni examiner. Mais le principal appui du préjugé est l’idée juste d’après laquelle il n’est point de vérité qui subsiste sans serment à soi ; d’où l’on vient à considérer toute opinion nouvelle comme une manœuvre contre l’esprit. Le préjugé ainsi appuyé sur de nobles passions, c’est le fanatisme. »

ALAIN, Propos.

Texte 5

« La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit. »

G. BACHELARD, La Formation de l’esprit scientifique

Texte 6

« Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de connaître, intimement qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n’est jamais «ce qu’on pourrait croire » mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser. La pensée empirique est claire, après coup, quand l’appareil des raisons a été mis au point. En revenant sur un passé d’erreur, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même, fait obstacle à la spiritualisation.

L’idée de partir de zéro pour fonder et accroître son bien ne peut venir que dans des cultures de simple juxtaposition où un fait connu est immédiatement une richesse. Mais, devant le mystère du réel, l’âme ne peut se faire, par décret, ingénue. Il est alors impossible de faire d’un seul coup table rase des connaissances usuelles. Face au réel, ce qu’on croit savoir clairement offusque ce qu’on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. Accéder à la science, c’est spirituellement rajeunir, c’est accepter une mutation brusque qui doit contredire un passé ».

G. BACHELARD, La formation de l’esprit scientifique, 1938

Texte 7

« Avoir une opinion, c’est affirmer, même de façon sommaire, la validité d’une conscience subjective limitée dans son contenu de vérité. La manière dont se présente une telle opinion peut être vraiment anodine. Lorsque quelqu’un dit qu’à son avis, le nouveau bâtiment de la faculté a sept étages, cela peut vouloir dire qu’il a appris cela d’un tiers, mais qu’il ne le sait pas exactement. Mais le sens est tout différent lorsque quelqu’un déclare qu’il est d’avis quant à lui que les Juifs sont une race inférieure de parasites, comme dans l’exemple éclairant cité par Sartre de l’oncle Armand qui se sent quelqu’un parce qu’il exècre les Anglais. Dans ce cas, le « je suis d’avis » ne restreint pas le jugement hypothétique, mais le souligne. Lorsqu’un tel individu proclame comme sienne une opinion aussi rapide, sans pertinence, que n’étaye aucune expérience, ni aucune réflexion, il lui confère – même s’il la limite apparemment – et par le fait qu’il la réfère à lui-même en tant que sujet, une autorité qui est celle de la profession de foi. Et ce qui transparaît, c’est qu’il s’implique corps et âme; il aurait donc le courage de ses opinions, le courage de dire des choses déplaisantes qui ne plaisent en vérité que trop. Inversement, quand on a affaire à un jugement fondé et pertinent mais qui dérange, et qu’on n’est pas en mesure de réfuter, la tendance est tout aussi répandue à le discréditer en le présentant comme une simple opinion. […]

L’opinion s’approprie ce que la connaissance ne peut atteindre pour s’y substituer. Elle élimine de façon trompeuse le fossé entre le sujet connaissant et la réalité qui lui échappe. Et l’aliénation se révèle d’elle-même dans cette inadéquation de la simple opinion. […] C’est pourquoi il ne suffit ni à la connaissance ni à une pratique visant à la transformation sociale de souligner le non-sens d’opinions d’une banalité indicible, qui font que les hommes se soumettent à des études caractérologiques et à des pronostics qu’une astrologie standardisée et commercialement de nouveau rentable rattache aux signes du zodiaque. Les hommes ne se ressentent pas Taureau ou Vierge parce qu’ils sont bêtes au point d’obéir aux injonctions des journaux qui sous-entendent qu’il est tout naturel que cela signifie quelque chose, mais parce que ces clichés et les directives stupides pour un art de vivre qui se contentent de recommander ce qu’ils doivent faire de toute façon, leur facilitent – même si ce n’est qu’une apparence – les choix à faire et apaisent momentanément leur sentiment d’être étrangers à la vie, voire étrangers à leur propre vie.

La force de résistance de l’opinion pure et simple s’explique par son fonctionnement psychique. Elle offre des explications grâce auxquelles on peut organiser sans contradictions la réalité contradictoire, sans faire de grands efforts. A cela s’ajoute la satisfaction narcissique que procure l’opinion passe-partout, en renforçant ses adeptes dans leur sentiment d’avoir toujours su de quoi il retourne et de faire partie de ceux qui savent ».

Theodor W. ADORNO, Modèles critiques, « Opinion, illusion, société »

TS. Peut-on dire d’un acte qu’il est inhumain ?

Premier sujet de dissertation pour les TS

Peut-on dire d’un acte qu’il est inhumain ?

Devoir à rendre le 9 octobre 2012

D’ici là, un travail régulier et progressif s’impose…

D’ici là, un travail régulier et progressif s’impose.

Première étape : pour vendredi 28 septembre 2012, tenter de comprendre le sujet et à partir de ce que vous pensez avoir compris, écrire tout ce qui vous vient à l’esprit, sans autocensure, il sera temps ultérieurement d’opérer un tri, des choix et d’organiser une pensée cohérente.

Il est possible, dors et déjà, de noter le fruits de vos réflexions ci-dessous.