Piaget. La nécessaire décentration du sujet

Jean Piaget
Jean Piaget 1896 – 1980

« Certes, quand la physique travaille sur des objets à notre échelle courante d’observations, on peut considérer son objet comme relativement indépendant du sujet. Il est vrai que cet objet n’est alors connu que grâce à des perceptions, qui comportent un aspect subjectif, et grâce à des calculs ou à une structuration métrique ou logico-mathématique, qui relèvent eux aussi d’activités du sujet. Mais il convient dès l’abord de distinguer le sujet individuel, centré sur ses organes des sens ou sur l’action propre, donc le « moi » ou sujet égocentrique source de déformations ou illusions possibles de nature « subjective » en ce premier sens du terme ; et le sujet décentré qui coordonne ses actions entre elles et avec celles d’autrui, qui mesure, calcule et déduit de façon vérifiable par chacun et dont les activités épistémiques sont donc communes à tous les sujets (…). Or, toute l’histoire de la physique est celle d’une décentralisation qui a réduit au minimum les déformations dues au sujet égocentrique pour la subordonner au maximum aux lois du sujet épistémique, ce qui revient à dire que l’objectivité est devenue possible et que l’objet a été rendu relativement indépendant des sujets. »

Piaget, Epistémologie des Sciences de l’homme