TSTI2d. De la différence entre le plaisir de manger et le plaisir de la table

Brillat-Savarin 1755-1826

Le plaisir de manger est la sensation actuelle et directe d’un besoin qui se satisfait. Le plaisir de la table est la sensation réfléchie qui naît des diverses circonstances de faits, de lieux, de choses et de personnes qui accompagnent le repas.

Le plaisir de manger nous est commun avec les animaux ; il ne suppose que la faim et ce qu’il faut pour la satisfaire. Le plaisir de la table est particulier à l’espèce humaine ; il suppose des soins antécédents pour les apprêts du repas, pour le choix du lieu et le rassemblement des convives.

Le plaisir de manger exige, sinon la faim, au moins de l’appétit ; le plaisir de la table est le plus souvent indépendant de l’un et de l’autre. Ces deux états peuvent toujours s’observer dans nos festins.

Au premier service[1] […] chacun mange évidemment, sans parler, sans faire attention à ce qui peut être dit; et, quel que soit le rang qu’on occupe dans la société, on oublie tout pour n’être qu’un ouvrier de la grande manufacture[2]. Mais, quand le besoin commence à être satisfait, la réflexion naît, la conversation s’engage, un autre ordre de choses commence ; et celui qui, jusque-là, n’était que consommateur, devient convive plus ou moins aimable, suivant que le maître de toutes choses[3] lui en a dispensé les moyens. […]

D’ailleurs, on trouve souvent rassemblées autour de la même table toutes les modifications que l’extrême sociabilité a introduites parmi nous : l’amour, l’amitié, les affaires, […] l’ambition, l’intrigue ; voilà pourquoi le conviviat[4] touche à tout ; voilà pourquoi il produit des fruits de toutes les saveurs.

Jean-Anthelme Brillat-Savarin (1755 – 1826), Physiologie du goût (1825).

Questions

  1. Quel est le thème du texte ?
  2. A quelle question répond Brillat-Savarin dans ce texte ?
  3. Quelle en est sa réponse, c’est-à-dire quelle thèse soutient-il ?
  4. Comment Brillat-Savarin construit-il son argumentation ? Pour répondre à cette question, il conviendra d’étudier la structure logique du texte.
  5. Qu’est-ce qui dans ce texte mérite d’être expliqué ? Et expliquer !
  6. Qu’est-ce que ce texte donner à penser ? (Réflexion personnelle)

[1] Premier service: début du repas.

[2] Maître de toutes choses: Dieu.

[3] Ouvrier de la grande manufacture: expression ironique qui désigne celui qui mange pour calmer sa faim.

[4] Conviviat : la réunion des convives.

Alain. « Penser, c’est dire non. »

Image« Penser, c’est dire non. Remarquez que le signe du oui est d’un homme qui s’endort ; au contraire le réveil secoue la tête et dit non. Non à quoi ? Au monde, au tyran, au prêcheur ? Ce n’est que l’apparence. En tous ces cas-là, c’est à elle-même que la pensée dit non. Elle rompt l’heureux acquiescement. Elle se sépare d’elle-même. Elle combat contre elle-même. Il n’y a pas au monde d’autre combat. Ce qui fait que le monde me trompe par ses perspectives, ses brouillards, ses chocs détournés, c’est que je consens, c’est que je ne cherche pas autre chose. Et ce qui fait que le tyran est maître de moi, c’est que je respecte au lieu d’examiner. Même une doctrine vraie, elle tombe au faux par cette somnolence. C’est par croire que les hommes sont esclaves. Réfléchir, c’est nier ce que l’on croit. Qui croit ne sait même plus ce qu’il croit. Qui se contente de sa pensée ne pense plus rien. »

ALAIN, Propos sur les pouvoirs, « L’homme devant l’apparence« , 1924

Petites phrases de grands philosophes

Les 10 citations les plus connues

Des citations de philosophes devenues proverbes ou maximes populaires

  • « Je sais que je ne sais rien. » Socrate
  • « Je pense, donc je suis. » Descartes
  • « La religion est l’opium du peuple. » Marx
  • « L’homme est un loup pour l’homme. » Hobbes
  • « Dieu est mort. » Nietzsche
  • « L’homme est né libre et partout il est dans les fers. » Rousseau
  • « L’enfer, c’est les autres. » Sartre
  • « Ne désire que ce qui dépend de toi. » Epictète
  • « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. » Pascal
  • « La mort n’est rien pour nous. » Epicure

Affiché en salle de philo

TS. La philosophie en rupture avec la manière ordinaire de penser

Rédaction de Malika, TS, à partir du cours du 6 septembre 2012

Par quoi commencer ?

Lorsque l’on n’a jamais fait de philosophie, il apparaît légitime de demander une définition du mot « philosophie ». Or, on convient pourtant que pour les autres matières, les mathématiques par exemple, jamais on ne réclame ni n’en donne une définition. Pourquoi donc la philosophie devrait faire exception ? Lui appartient-il de se définir elle-même ? Et pour un élève qui commence la philosophie, par quoi doit-il commencer ?

Un mathématicien qui définirait les mathématiques  ferait-il encore des mathématiques ? Dire que par exemple que les mathématiques traitent des nombres, des figures et des grandeurs, qu’il est question d’opérations partant d’axiomes, que la vérité à laquelle elles parviennent est de type formel et non de type expérimental, etc. ce n’est assurément plus faire des mathématiques, mais c’est philosopher sur les mathématiques. Et il en va ainsi pour toutes autres disciplines, la physique, l’histoire… La discipline qui tente de définir les sciences, leurs objets et leur méthode, s’appelle l’épistémologie, branche importante de la philosophie.

Importance de la conceptualisation en philosophie

Déjà, nous venons de remarquer que définir apparaît une activité importante de la démarche philosophique. Il est important pour elle en effet de savoir ce que l’on dit. Nous parlerons de conceptualisation. Et tenter de définir la philosophie elle-même, c’est toujours faire de la philosophie. Il appartient donc à la philosophie de se définir. Concevoir la philosophie d’une manière ou d’une autre c’est opter pour une manière de philosopher. On remarquera au passage qu’en classe de terminale, la notion même de philosophie n’est pas au programme de philosophie.

C’est pourquoi, en ce qui nous concerne, il ne sera pas question de proposer, en ce début d’année scolaire, une définition définitive et achevée de la philosophie, l’important étant plutôt de se lancer dans la réflexion philosophique et il sera temps au bout de notre année de faire le point sur notre expérience. Proposons-nous seulement de partir des représentations que nous avons de la philosophie.

La rationalité pour fondement

Philosopher c’est une manière particulière de réfléchir. Mais qu’est-ce qui fait sa particularité ? Le fondement de la réflexion philosophique est la rationalité, autrement dit, la réflexion doit être impérativement logique. En cela, elle est une manière de penser en rupture avec la manière ordinaire de penser, c’est-à-dire la manière spontanée de penser, cette dernière se basant généralement davantage sur les émotions et les sentiments. Une idée n’est pas vraie parce qu’on l’aime bien ou parce qu’elle nous plaît, mais parce qu’elle découle d’une réflexion logique et rationnelle. La sphère de la rationalité et celle de l’affectivité s’opposent, la philosophie appartenant à la première alors que l’opinion à la seconde.

En outre, remarquons que lorsque nous sommes submergés par nos émotions nous devenons particulièrement imperméables aux arguments de la raison. Il apparaît peu probable que l’individu sur le point de se suicider, submergé par ses sentiments de désespoir, philosophe sur l’existence et le sens de la vie. De même, tout raisonnement philosophique glisse et reste sans effet chez le raciste pétri par la haine et la peur de l’autre différent, quand bien même la moindre réflexion fait aisément imploser le racisme. L’opinion s’enracine notamment dans l’éducation et cela explique notamment la difficulté de s’en débarrasser ou d’accepter les objections qui peuvent lui être adressée, quand bien même celles-ci auraient pour elles le poids des arguments de la raison. Irrationnelle, la pensée raciste procède le plus souvent par généralisation abusive et par amalgame : l’exemple d’un étranger voleur lui suffit pour dire qu’ils le sont tous ; ou qu’un arabe est l’équivalent d’un musulman, donc d’un intégriste, donc encore d’un terroriste.

La philosophie comme critique de l’opinion

Non seulement la philosophie apparaît en rupture avec la manière ordinaire de penser, celle de l’opinion mais encore elle se pose à son égard comme une critique. L’opinion, lieu des banalités, des faux-semblants, des rumeurs, des préjugés, est peu exigeante en matière de vérité et pourtant s’érige de manière entêtée comme vérité incontestable. Le philosophe Gaston Bachelard  dira que « l’opinion pense mal, elle ne pense pas, elle a en droit toujours tort ». La philosophie se place ainsi au niveau de la raison commune à la science et se constitue comme la critique de l’opinion.

Généralement, on a tendance à poser d’abord la conclusion et ne chercher qu’ensuite ce qui peut sembler la confirmer. Telle est l’attitude du jaloux par exemple, qui, aveuglé par sa passion, persuadé qu’il est trompé, va chercher le moindre signe qu’il érigera en indice, en preuve. Les arguments appelés comme soutiens à l’opinion sont bien souvent des justifications a posteriori. Quant à l’attitude du philosophe, elle est inverse, et en cela il apparaît bien plus sage et logique. Sa conclusion sera toujours une position à partir d’un raisonnement, d’une réflexion.

Le philosophe va donc critiquer l’opinion qui est toujours fermée et toujours questionner et apprendre davantage, grâce à sa curiosité par laquelle il s’ouvre au monde et aux choses. On n’a l’exemple de Socrate, appelé le plus sage des Hommes, qui nous apprend qu’il est préférable de prendre conscience de son ignorance plutôt que de prétendre savoir alors que l’on ne sait pas et ainsi se mettre en quête de savoir. Il est préférable de chercher à savoir la vérité que d’adhérer à une opinion et s’entêter.

Texte rédigé par Malika, TS et relu par le professeur

En cette rentrée nouvelle

Tous mes souhaits pour cette année scolaire qui commence à mes élèves,

Beaucoup de courage pour décrocher l’examen à la fin de l’année mais aussi et surtout beaucoup d’amour de la culture et du savoir, de la joie d’apprendre ensemble.

Vivre une belle aventure dans l’engagement philosophique en osant bousculer le prêt à penser, les idées toutes faites et les habitudes, sans crainte de mis à mal du conformisme.

Se confectionner un havre de paix et de partage dans ce monde brutal de concurrence et de compétition et découvrir des valeurs dignes d’orienter et de donner du sens à l’existence.

Trouver ailleurs que dans la consommation bien d’autres satisfactions.

En un mot, beaucoup de bonheur…

Que lire pendant les vacances ?

E. Meissonier, « Le liseur blanc »

A l’intention de mes futurs élèves de terminale

Patience ! La philosophie, c’est pour bientôt !

La grande nouveauté de votre rentrée prochaine en classe de terminale, c’est évidemment la philosophie. Bien souvent en cours d’année scolaire, certains expriment le regret de ne pas avoir été initiés plus tôt à cette matière nouvelle. Aussi, une excellente approche est de lire quelques livres pouvant ouvrir à la réflexion philosophique.

Ainsi, vous je vous propose une toute petite sélection d’ouvrages pouvant vous accompagner durant ces vacances que je vous souhaite aussi bonnes qu’enrichissantes.

Jeanne Hersch, L’étonnement philosophique, Une histoire de la philosophie, Gallimard, collection Folio essais

Jostein Gaarder, Le Monde de Sophie, Roman sur l’histoire de la philosophie, Seuil, collection Points

Jean-Paul Jouary, Philosopher, et si c’était facile ? Milan

Balthasar Thomass, Etre heureux avec Spinoza, Eyrolles, collection « Vivre en philosophie »

Anthologie présentée par Guillaume de Gurbert, Si la philosophie m’était contée, de Platon à Gilles Deleuze, Librio

En outre, si vous avez déjà votre manuel, ne frustrez surtout pas votre curiosité, laissez-là vagabonder parmi les textes des plus grands philosophes que l’histoire humaine a pu reconnaître et précieusement garder.

Excellentes vacances à tous et à bientôt,