Faut-il commémorer ou oublier ?

20160529 scénographie Verdun

Est-ce la même chose que de vouloir faire naître ou développer la conscience historique des jeunes et le devoir de mémoire ? Quel est le sens et le but d’une commémoration ? Cela participe-t-il à une conscience et mémoire collective ? Cette mémoire peut-elle raviver des haines ou bien au contraire est-elle le fondement d’une paix authentique et durable ? Oublier ne serait-il pas plus judicieux de manière à tourner des pages, terminer enfin ce grand livre des horreurs et penser un tout autre avenir, une toute autre société ? N’est-ce pas une illusion que de croire que l’on peut prendre des leçons de l’histoire ? Ne croule-t-on pas sous les commémorations sans que l’on puisse voir pour autant des progrès en matière d’humanité ?

Interrogation à poursuivre. Questions à développer. Thèses à échafauder et à discuter. Aller au-delà de toutes polémiques malsaines, pour penser vraiment. Qu’on ne se trompe pas, si certains polémiquent sur le fait que la scénographie des célébrations du centenaire de la bataille de Verdun, conçue par le cinéaste allemand Volker Schlöndorff, était un honteux et désolant, voire blasphématoire spectacle en ce qu’elle faisait courir et danser une jeunesse parmi les tombes et les croix, c’est certainement de la pure et simple récupération politique politicienne. Plus important est de réfléchir sur la nature, le sens et la valeur de l’acte commémoratif tout autant que ses limites. Que dit cet acte ou plus exactement la manière dont on s’y prend pour commémorer, ou encore notre rapport à la mémoire et à l’histoire sur notre société actuelle ?

Vendredi 27 mai en Guadeloupe, on commémorait l’abolition de l’esclavage, dimanche 29 mai on commémorait à Verdun le centenaire d’une bataille, le 6 juin prochain, le débarquement etc. L’occasion nous est donc donnée d’y réfléchir.

Des sujets de philosophie donnés au baccalauréat évoquant cette thématique :

4 dissertations

  • Commémorer le passé, est-ce le connaître ?
  • Faut-il oublier le passé pour se donner un avenir ?
  • L’intérêt de l’histoire, est-ce d’abord de lutter contre l’oubli ?
  • Pour se libérer du passé faut-il l’oublier ?

Un texte d’Arthur Schopenhauer

L’usage de la raison individuelle suppose, à titre de condition indispensable, le langage ; l’écriture n’est pas moins nécessaire à l’exercice de cette raison de l’humanité : c’est avec elle seulement que commence l’existence réelle de cette raison, comme celle de la raison individuelle ne commence qu’avec la parole. L’écriture, en effet, sert à rétablir l’unité dans cette conscience du genre humain brisée et morcelée sans cesse par la mort : elle permet à l’arrière-neveu de reprendre et d’épuiser la pensée conçue par l’aïeul ; elle remédie à la dissolution du genre humain et de sa conscience en un nombre infini d’individus éphémères, et elle brave ainsi le temps qui s’envole dans une fuite irrésistible avec l’oubli, son compagnon. Les monuments de pierre ne servent pas moins à cette fin que les monuments écrits, et leur sont en partie antérieurs. Croira-t-on en effet que les hommes qui ont dépensé des sommes infinies, qui ont mis en mouvement les forces de milliers de bras, durant de longues années, pour construire ces pyramides, ces monolithes, ces tombeaux creusés dans le roc, ces obélisques, ces temples et ces palais, debout depuis des millénaires déjà, n’aient eu en vue que leur propre satisfaction, le court espace d’une vie, qui ne suffisait pas à leur faire voir la fin de ces travaux, ou encore le but ostensible que la grossièreté de la foule les obligeait à alléguer ? – Leur intention véritable, n’en doutons pas, était de parler à la postérité la plus reculée, d’entrer en rapport avec elle et de rétablir ainsi l’unité de la conscience humaine.

SCHOPENHAUER, Le Monde comme volonté et comme représentation (1819)