Révisions BAC 2016. L’artiste est-il un artisan comme les autres ?

L’artiste, un artisan comme les autres ? C’est du moins ce qu’en dit Alain dans le Système des Beaux-Arts, avec une pointe de provocation. Comment réagir à ce genre de texte le jour du baccalauréat ?

Alain 1868-1951
Alain 1868-1951

Alain, Système des Beaux-Arts, livre I, chapitres VI et VII

 » Aucune conception n’est œuvre. Et c’est l’occasion d’avertir tout artiste qu’il perd son temps à chercher parmi les simples possibles quel serait le plus beau ; car aucun possible n’est beau, le réel seul est beau. Faites donc et jugez ensuite. Telle est la première condition en tout art, comme la parenté des mots artiste et artisan le fait bien entendre ; mais une réflexion suivie sur la nature de l’imagination conduit bien plus sûrement à cette importante idée, d’après laquelle toute méditation sans objet réel est nécessairement stérile. Pense ton œuvre, oui certes ; mais on ne pense que ce qui est : fais ton œuvre. Puisqu’il est évident que l’inspiration ne forme rien sans matière, il faut donc à l’artiste, à l’origine des arts et toujours, quelque premier objet ou quelque première contrainte de fait sur quoi il exerce d’abord sa perception, comme l’emplacement et les pierres pour l’architecte, un bloc de marbre pour le sculpteur, un cri pour le musicien, une thèse pour l’orateur, une idée pour l’écrivain, pour tous des coutumes acceptées d’abord. Par quoi se trouve défini l’artiste, tout à fait autrement que d’après la fantaisie. Car tout artiste est percevant et actif, artisan toujours en cela. Plutôt attentif à l’objet qu’à ses propres passions ; on dirait presque passionné contre les passions, j’entends impatient surtout à l’endroit de la rêverie oisive : ce trait est commun aux artistes et les fait passer pour difficiles. Au reste, tant d’œuvres essayées naïvement d’après l’idée ou l’image que l’on croit s’en faire, et manquées à cause de cela, expliquent que l’on juge trop souvent de l’artiste puissant, qui ne parle guère, d’après l’artiste ambitieux et égaré, qui parle au contraire beaucoup. Mais si l’on revient aux principes, on se détournera de penser que quelque objet beau soit jamais créé hors de l’action. Ainsi la méditation de l’artiste serait plutôt observation que rêverie, et encore mieux observation de ce qu’il a fait comme source et règle de ce qu’il va faire. Bref, la loi suprême de l’invention humaine est que l’on n’invente qu’en travaillant. Artisan d’abord. »

Explication par Ligeia Saint-Jean.

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